Aller au contenu principal

Patrick Norynberg «Faire la ville autrement»

Directeur général adjoint au développement social - Le Blanc-Mesnil
Portrait

Il y a dédié sa vie professionnelle. Patrick Norynberg a de tous temps oeuvré pour que les gens, les habitants, puissent faire entendre leur voix. Pour qu’ils puissent faire acte de citoyenneté en participant aux débats, mais aussi aux actions qui les concerne. L’actuel Directeur général adjoint (DGA) au développement social et territorial du Blanc-Mesnil, y a même consacré deux ouvrages, devenus références en matière de démocratie participative. A l’heure où se clôturent les 2ème Rencontres de la ville et de la démocratie organisées par la mairie, il prend de son temps, entre une visite de chantier et un débat public, pour nous parler des racines de son engagement.

Un engagement en faveur de l’expression et de l’action citoyenne qui, pourtant, ne va pas de soi pour ce gamin de Seine Saint Denis. « Ma mère était vaguement gaulliste, mon père plutôt de gauche, on ne parlait pas du tout de ces questions à la maison ». Il n’empêche, la voie de la parole citoyenne sera la sienne, et c’est au domicile parental que germe l’idée que chacun doit pouvoir s’exprimer dans le système. « Au milieu d’une fratrie de trois, je ne supportais pas qu’on ne prenne pas en compte mon avis ou celui de mon petit frère. Depuis ma tendre enfance, j’ai horreur de la négation et du mépris », affirme-t-il.
Ce sentiment, cette posture viscérale, trouve un écho, lorsque, adolescent, il participe aux discussions animées dans la famille d’un de ses amis, dont le père est 1er adjoint au maire du Blanc-Mesnil. « Il était très impliqué, militant. Il m’a initié aux notions d’égalité, de justice, de fraternité…C’était des idées que je portais en moi de façon un peu diffuse, se rappelle-t-il. Nos échanges permettent alors de structurer ma pensée».
Une pensée et un souci de la prise en compte de la parole de tous et de chacun qui prennent corps lorsqu’il fait ses premières armes professionnelles en tant qu’animateur dans un centre de loisirs du Blanc-Mesnil. « Dans la mise en place des activités, le fait de laisser les jeunes s’exprimer et de partir de ce qu’ils avaient en tête changeait totalement la donne. L’investissement dans les activités était spontané, naturel, je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à explorer dans ce registre. »
Marqué dans son enfance par les images de la guerre et de la Shoah, il a 22 ans en 1983, lorsque le FN remporte sa première victoire électorale à Dreux. «Un choc. Je suis alors intimement persuadé que la montée du vote extrême n’est pas une fatalité et que chacun peut trouver sa place dans ce pays. Je me sens prêt à m’engager pour ça ». Au local, Patrick est président de l’amical des locataires de son HLM du Blanc-Mesnil. « Ça se confirme: j’aime le collectif, je m’intéresse aux dynamiques de groupes, à ses effets bénéfiques sur l’individu, à la façon dont celui-ci y puise de la dignité, du courage… »
Peu de temps après, il intègre le service jeunesse du…Blanc-Mesnil. «Avec des jeunes pas trop faciles mais qui avaient des idées, on a monté des projets super». Un bus musical avec un plateau itinérant sillonne les cités de la ville, un journal des jeunes de la commune sort de presse et un lieu dédié aux pratiques musicales sort de terre : « la cuisine » devenu le « deux pièces cuisine » il y un an est devenu un complexe comprenant studio d’enregistrement, salle de répétition et de concert à la programmation pointue. La structure est aujourd’hui encore un établissement culturel de référence pour les musiques actuelles et amplifiées.
Il est à la tête du service jeunesse lorsque le maire de l’époque l’appelle à d’autres fonctions : « Il m’a dit, Patrick, tu vas t’occuper de l’habitat et du logement dans la ville. » Une nouvelle mission, et des enjeux auxquels il ne se croyait pas préparé : gérer la file des demandeurs de logement, dans une ville sans office HLM mais qui compte quinze bailleurs et 27 cités d’habitat social. Avec la réalisation du guide de l’habitat, «j’ai travaillé à redonner aux demandeurs une posture active dans leur recherche de logement», explique-t-il.
Surtout, Patrick veut mettre les habitants au cœur des grandes opérations de restructurations urbaines ayant cours sur la ville. « Faire participer, c’est une chose. Donner un pouvoir de décision, ce n’est pas pareil ! » Alors, auprès des élus de la ville et des bailleurs, il propose le regard et le choix des habitants en priorité dans des projets qui les concerne. « Les résidents se sont constitués en amicale de locataires, membre de droit du comité de pilotage des opérations » indique-t-il. Résultat ? Alors qu’ailleurs, au nom de la mixité sociale, on chasse les habitants de leur lieu de vie, au Blanc-Mesnil, tout le monde reste chez soi.
En 98, Patrick devient chef de projet contrats de ville. Légaliste, il se réfère à la circulaire de Jospin, alors 1er ministre, qui stipule : Il faut associer les habitants en amont des projets qui les concerne. Il réunit donc tous les acteurs et utilise une méthode originale pour la co-élaboration des projets de quartier. Les Ateliers de l’Avenir… Une technique dynamique qui permet de passer de l’expression des difficultés à une phase d’utopie créative pour déboucher sur des projets concrets. Cette méthode permet également de créer de la confiance entre décideurs et habitants » explique-t-il.
Patrick raconte cette expérience dans son livre, « Faire la ville autrement »1, dont la première édition paraît en 2001. En 2003, Patrick est nommé Directeur général adjoint, au développement social et territorial. Un DGA atypique, sans cravate, et « poil à gratter » comme dit le maire du Blanc-Mesnil, qui utilise sa nouvelle position pour faire profiter de son expérience de terrain à l’ensemble des directions de la ville. La Charte de la démocratie locale et la Convention d’amélioration de la qualité du service public, conçues de façon participative invite les agents à travailler en mode projet, dans la transversalité. « Pour que la mairie de ne se contente pas de proposer une offre de service, mais devienne un vrai lieu de ressource pour tous les habitants», précise-t-il.
En mars 2011, en même temps qu’une réédition revue et augmentée de son premier livre paraît son second opus : « Ville Démocratie et Citoyenneté, expérience du pouvoir partagé »2, au sein duquel ce passionné de démocratie authentique analyse la politique de la ville, propose des réformes et explique sa méthode. Une ingénierie simple, au service de l’essentiel : « Le faire ensemble, ça produit du lien entre les gens », insiste le DGA. Il y aborde également le rôle du service public aujourd’hui et le lien avec les pratiques démocratiques. L’ouvrage se termine en ouvrant des perspectives pour la construction d’un nouveau projet de transformation sociale dans une nouvelle république. Solidaire et démocratique…

Sébastien Poulet-Goffard

Pour en savoir plus, lire la fiche : La charte de la démocratie locale du Blanc-Mesnil

Notes :

1« Faire la ville autrement », Coll. Acteurs sociaux – 176 p. –13 €
2« Ville Démocratie et Citoyenneté, expérience du pouvoir partagé », Coll. Acteurs sociaux – 256 p. –14 €