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Philippe Cholet, passeur social…

Directeur-adjoint des espaces d'action médico-social - Conseil général du Doubs

A l’âge où certains se voient pompier ou se rêvent acteur, Philippe Cholet sait qu’il sera assistant social. Une certitude à mettre au crédit d’une éducation altruiste marquée par la longue maladie de son père, et d’un engagement scout au cœur d’un quartier populaire de Reims: "l’injustice m’est toujours apparue comme quelque chose d’insupportable et j’ai très vite eu envie d’agir dans la cité", dit-il pour expliquer son engagement dans la profession.

Bac en poche, il entre en formation dans la ville champenoise, obtient son DE en 1978, et débute sa carrière à la Caf de Charleville-Mézières. Il travaille en polyvalence de secteur notamment sur le quartier de Manchester, un des plus pauvres de la ville. C'est là que le jeune professionnel fait son baptême du feu. "Le volume des demandes était tel qu’on a rapidement fait évoluer nos pratiques", se rappelle-t-il. Avec une collègue, ils bouleversent l’organisation du service pour agir de manière "désectorisée" Nous sommes en 1980, et c’est tout à fait nouveau. Le travail en approche partagée lui permet alors de dépasser la logique du cas par cas et d’agir avec des groupes sur le quartier. "Même en étant «super technicien», la seule intervention de l’assistant social ne suffit pas. La dimension collective est essentielle pour construire des systèmes où les usagers trouvent de l’aide. Il faut nouer des partenariats autour des situations, des problématiques, avec les institutionnels et les habitants" explique-t-il. Ce travail sur d’autres supports, avec les structures de proximité, est facilité par le fait que le bureau de Philippe est situé dans un centre social.

En 1987, Philippe devient responsable de la circonscription en même temps que directeur du centre. Il a 31 ans, mais cette double casquette ne l’effraie pas. "J’y ai plutôt vu une belle opportunité de continuer à travailler en complémentarité avec tous les acteurs du territoire" se souvient-il. Cette résonance réciproque dans les actions est encouragée par un directeur de Caf favorable au développement des relations contractuelles entre institutions. En parallèle, une implication syndicale inter-professionnelle enrichit son expérience et sa réflexion professionnelles. C’est aussi à cette époque que Philippe éprouve le besoin de compléter sa formation. A l’Institut de Montrouge tout d'abord, où après les enseignements de Denise Cassegrain et de Georges Gontcharoff, il étudie le travail social de groupe avec Héléne Massa. "L'entraide mutuelle, et l’étude des processus d’interaction entre les individus et leur environnement viennent à ce moment là nourrir de façon conceptuelle ma pratique" se souvient-il. Au Québec ensuite, lors du congrès d’une association internationale de travail social en 1989, il rencontre Margot Breton, professeur de travail social à Toronto. Elle l’initie au concept d’empowerment : "transformer les capacités des individus en compétences… une authentique révélation" reconnaît-il. DSTS en poche, Philippe quitte la Caf en 1993 pour intégrer le CCAS de la Ville de Besançon au poste de coordinateur social. Il est chargé de promouvoir une nouvelle dynamique des services et du partenariat dans le cadre d’une politique sociale renouvelée : "Besançon horizon 2001". Il découvre au passage les "joies" des concours administratifs pour intégrer la fonction publique territoriale. Si à Manchester, il déclare avoir beaucoup appris des publics en difficultés, c’est la relation avec les élus qui est féconde à Besançon. "La position d’interface entre ces derniers et le terrain n’est pas toujours facile témoigne-t-il. La conjugaison des deux est pourtant déterminante pour mieux répondre aux besoins sociaux. Il faut alerter, afin de faire évoluer les moyens, mais aussi se faire passeur, dans le cadre d'une relation loyale et exigeante: contribuer à éclairer les décideurs afin qu'ils arbitrent au mieux dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques locales. C'est dans cette mesure que le travail social fait valoir sa valeur ajoutée. Et c’est ainsi qu’il prend une dimension éminemment politique."

A Besançon toujours, Philippe devient en 2006 directeur des solidarités au CCAS. De la prise en charge de l'urgence sociale, à la lutte contre l'exclusion, en passant par l'insertion le logement social mais aussi l’accès à la culture, il travaille avec ses équipes et les partenaires à l'élaboration de supports pour l'action : "la ville a été pionnière en matière d'action sociale. Cet héritage nous encourage à inventer de nouvelles réponses dans le cadre d'un bricolage astucieux avec nos partenaires institutionnels et associatifs." Entre autres, la création de proxim'social, un numéro vert d'orientation dédié à toutes les questions sociales au service des habitants. A la marge de l’exercice professionnel, Philippe cultive d’autres champs : Il participe en 1998 à la rédaction du rapport du CSTS l’Intervention Sociale d’Aide à la Personne*. Aujourd’hui membre de l’instance, qu’il qualifie de "balise importante et nécessaire pour l’ensemble des acteurs", il est co-auteur de l’ouvrage : Le travail social aujourd’hui et demain**. Ailleurs, dans un autre domaine, Philippe est président régional d’une association d’anciens prisonniers du camp de représailles de Rawa Ruska en Ukraine, où furent déportés plusieurs milliers de résistants français en 1942: « réfractaires, et récidivistes de l’évasion, rien, pas même la déportation, n’altéra leur détermination à résister à l’inacceptable ». Un exemple qu’il médite souvent.

Depuis le début du mois de septembre 2009, Philippe occupe les fonctions de directeur-adjoint des espaces d'action médico-social au Conseil général du Doubs. "Je n’ai pas quitté mon poste au CCAS par dépit" tient-il à préciser. "J'ai juste eu envie de poursuivre autrement le travail amorcé, à l'échelle d'un nouveau territoire". Trente ans après ses débuts professionnels, Philippe se dit plus que jamais convaincu du rôle du travail social. Son engagement dans les pratiques de développement social semble en effet n'avoir rien perdu de sa vitalité. Un élément d'explication réside peut-être dans une métaphore qu’il cite sur l’empowerment: « La solidité d'une chaîne dépend de la résistance de son maillon le plus faible. Renforcer ce dernier, c'est contribuer à la force de l'ensemble... ».

Sébastien Poulet-Goffard