Maxime Dimacopoulos, un "technicien militant"
Rencontrer Maxime Dimacopoulos, c’est un peu comme retrouver un ami perdu de vue depuis longtemps. La poignée de main est généreuse, le sourire doux et l’autorité naturelle, chez ce grand gaillard de 40 ans. D’ailleurs collaborateurs et résidents de la pension de famille qu’il dirige à Montpellier, n’hésitent pas à franchir la porte, quasi toujours ouverte de son bureau : si Maxime est occupé, il saura leur proposer avec gentillesse de repasser plus tard, mais trouvera toujours un moment pour les écouter.
Rien pourtant ne semblait le prédisposer à construire, non seulement sa carrière mais aussi son engagement personnel, dans l’économie sociale. Comment un jeune homme indécis de son avenir, orienté par défaut sur un BTS de gestion, se retrouve-t-il aujourd’hui responsable de Fermaud Merci, une pension de famille Adoma qui accueille et accompagne des travailleurs immigrés vieillissants (voir fiche Apriles « Fermaud-Merci : une seconde vie pour les Chibanis »), mais également référent insertion sociale Adoma pour les autres responsables de foyers du territoire Méditerranée, tout en ayant encore du temps à consacrer bénévolement à un Groupe d’Entraide Mutuelle ?
« Après mes études, j’ai occupé plusieurs postes dans l’hôtellerie et la restauration. J’y ai acquis une rigueur gestionnaire mais je n’y trouvais pas de sens à ce que je faisais. Alors quand la dirigeante d’une association parisienne qui gérait de l’hébergement d’urgence m’a proposé de la rejoindre, j’ai dit oui. Ca a été une révélation : tout à coup, mon travail et mes collègues devenaient passionnants. On dépassait les clivages entre personnes, entre secteurs, entre pratiques : à plusieurs, nous avons même fait entrer l’art dans les lieux d’hébergement ! ». Un retour aux sources, en quelque sorte, pour ce petit fils de résistants, fils de militants communistes, qui reconnait discrètement « être tombé tout petit dans la marmite humaniste » et dont le parcours va dès lors se construire autour de rencontres et de convictions.
Il entame un Diplôme d’état aux fonctions d’animateur (DEFA), qu’il n’aura pas le temps de valider : il est débauché avant la fin de sa formation pour assurer des missions de direction au sein de Centres Sociaux en difficultés. « C’est là que j’ai découvert le travail de Jean-François Bernoux sur le développement social territorial ainsi que la démarche d’éducation populaire. Certes ces approches portent des valeurs qui trouvent écho en moi mais elles proposent aussi des outils. Car on ne peut pas se contenter de discours et d’incantations, l’important est de passer à l’acte ». Etre acteur de la transformation sociale est donc devenu sa priorité et il s’y emploie au quotidien, chez Adoma comme au GEM : « j’aime agir sur un territoire, permettre la mobilisation de ses ressources et de l’ensemble des acteurs, institutions, professionnels, bénévoles, mais surtout des personnes elles-mêmes. Je crois profondément que la rencontre entre des gens d’origines différentes permet à chacun de s’épanouir et aux plus fragiles de retrouver l’estime de soi. Au-delà des difficultés inhérentes à ma fonction et de l’individualisme grandissant d’une société de plus en plus tournée vers la performance, je vis pleinement cette relation aux autres à Fermaud-Merci et la richesse de la trajectoire de vie de ces anciens Chibanis me nourrit ».
Développer de nouveaux projets, multiplier les rencontres restent ses véritables motivations. C’est donc animé d’un besoin de transmettre, qu’il a accepté d’accompagner techniquement et opérationnellement d’autres gestionnaires de foyers dans la résolution de situations complexes, en matière d’animation ou de partenariats. « Cela me permet de satisfaire ma curiosité naturelle, d’appréhender toutes les facettes de mon métier, de la gestion locative à l’évaluation sociale ou la médiation santé, de ne pas être enfermé dans un rôle ». Car si Maxime n’envisage pas de quitter Adoma, dont il partage la conviction que la dignité d’une personnes et sa reconstruction passe par un logement salubre, il se voit bien dans les prochaines années aller à la rencontre de nouveaux publics, comme les demandeurs d’asile, voire même de prendre un peu de recul avec le terrain et mettre son expérience au service de projets transversaux. Aujourd’hui papa d’un petit bout d’homme de bientôt trois ans, il reconnait que son engagement aux côtés des plus fragiles est parfois usant et difficilement conciliable sur la durée avec une vie de famille, mais également porteur d’une ouverture aux autres qu’il entend bien transmettre à son fils : « Dans une société qui se crispe, se radicalise, où les occasion de se rencontrer s’amenuisent, je veux lui montrer qu’il existe une autre logique que celle libérale qui se diffuse partout, que l’on peut rester maitre de son destin. Moi, chaque jour, dans mon travail, je fais encore l’expérience du côté lumineux de la nature humaine».
Estelle Camus.