Une méthode québécoise pour éviter le décrochage scolaire des jeunes Courcouronnais
Type d'action
- Prévention
- Inclusion
- Education
- Parentalité
Département
Essonne (91)Sur le vif
« Il est nécessaire de changer notre regard d'éducateur spécialisé : adopter un regard positif, mettre le projecteur sur ce que les enfants font de bien, travailler non pas sur les causes mais sur les comportements... » L'éducateur spécialisé chargé de « Alternative Suspension » à Courcouronnes.
Porteur(s) de l'action
Ville de Courcouronnes
Objectif(s) et bref descriptif
Pour faire de l'exclusion des élèves un temps privilégié de prise de recul et de « raccrochage » scolaire, une méthode québécoise dénommée « Alternative Suspension » est expérimentée à Courcouronnes auprès de jeunes collégiens. Avec un accueil en dehors de l'établissement et un travail mettant l'accent sur les points forts des enfants, l'objectif est de susciter la réflexion des élèves et de recréer du lien et de la confiance entre les familles et l'institution scolaire.
Origine(s)
A Courcouronnes, la politique éducative municipale développe depuis plusieurs années des outils ayant vocation à contribuer à la prévention autour des jeunes, notamment en matière de décrochage scolaire. Ainsi, à partir de 2002, le dispositif de veille éducative permet de réunir autour de la Ville les principaux acteurs sur ces sujets : l'école élémentaire, le secondaire, la Mission locale, la politique de la Ville, la Protection Judiciaire de la Jeunesse et un club de prévention spécialisée. Grâce à cette observation partenariale, il s'agit de poser ensemble un diagnostic et de construire collectivement des réponses aux défis posés.
Par rapport à l'adéquation des réponses aux besoins, un premier constat s'impose. Concernant l'exclusion temporaire ou définitive des élèves, les manières de procéder semblent limitées. En effet, les enfants exclus ne sont pas pris en charge et se retrouvent la plupart du temps à traîner devant la télévision ou dans la rue, tout en prenant du retard sur le programme. Tout en ne voulant pas remplacer l'acteur prépondérant qu'est l'Education Nationale, la Ville de Courcouronnes souhaite apporter sa contribution sur de telles problématiques éducatives.
En 2009, le directeur général adjoint chargé de la politique éducative revient d'un voyage d'étude au Québec avec l'idée de transposer à Courcouronnes un dispositif québécois ayant fait ses preuves : Alternative Suspension. Cette méthode, développée par la Young Men's Christian Association (YMCA - UCJG en français) de Montréal, convainc les élus de Courcouronnes et l'Inspectrice d'Académie qui ont l'occasion à leur tour de découvrir sur place des fonctionnements assez différents par rapport aux méthodologies éducatives françaises.
Grâce à deux sources de financement au niveau national, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (l'Acsé) et le Ministère de la jeunesse, une mise en oeuvre expérimentale d'Alternative Suspension démarre en décembre 2010 pour une durée de trois ans. Entre mai et novembre 2010, des conventions de partenariat sont conclues avec le YMCA de Montréal (formation et accompagnement dans l'introduction de la méthode à Courcouronnes) et les deux collèges accueillant la majorité des jeunes de Courcouronnes. Pendant cette période préparatoire, il s'agit notamment de convaincre le personnel éducatif des collèges (principaux, conseillers principaux d'éducation...) de l'intérêt d'expérimenter une nouvelle approche fondée sur le concept de persévérance scolaire. En novembre 2010, la Ville recrute un éducateur spécialisé qui, une fois formé à Montréal, est chargé de coordonner le projet, de faire valider les modes de faire du YMCA auprès des partenaires, de procéder à quelques précisions juridiques et à de légers ajustements de la méthode en lien avec les spécificités françaises. A la fin du mois de décembre 2010, les quatre premiers collégiens sont accueillis par l'éducateur dans le cadre d'Alternative Suspension.
Description détaillée
La méthode « Alternative Suspension » consiste à accueillir pendant quelques jours les collégiens exclus de l'établissement et de procéder avec eux, si possible en groupe, à des activités permettant de retrouver la voie d'une bonne dynamique. Il s'agit d'une approche assez nouvelle qui, surtout dans un cadre préventif, peut permettre de désamorcer des blocages entre l'élève, sa famille et l'école.
La méthode « Alternative Suspension »
A Courcouronnes, la méthode est utilisée dans deux types de situations. La première correspond au cas typique de l'exclusion : un élève adopte un comportement violent et/ou inapproprié, envers un professeur ou un autre élève, et doit être sanctionné. La deuxième configuration est celle d'un élève éprouvant très souvent des difficultés d'attention et d'écoute, un manque de motivation et une attitude impropre à l'apprentissage. Dans les deux cas, le collège a désormais la possibilité de joindre l'éducateur de la Ville et de demander un accueil « Alternative Suspension ». Si l'éducateur juge que l'accueil est opportun (en fonction de la situation, des autres enfants accueillis...) et si les parents sont d'accord, l'élève peut intégrer dès le lendemain le groupe.
Dans un local communal, l'éducateur spécialisé accueille des élèves, au maximum six, de préférence en groupe même s'il arrive que l'élève accueilli soit seul. Au départ, un entretien individuel permet à l'éducateur d'expliquer à l'élève, parfois accompagné de ses parents, le cadre dans lequel il est accueilli. Ce premier échange, d'une durée de 15 à 30 minutes, est surtout l'occasion pour l'éducateur de créer un climat de confiance et d'écoute, de montrer qu'il n'est pas dans le jugement, ni même dans l'évocation de ce qu'il s'est passé. Aussi, même si « Alternative Suspension » peut être au départ vécu comme une sanction par l'élève, le ressenti de ce dernier est souvent plutôt positif après quelques jours.
Pendant trois à cinq jours, un emploi du temps bien précis est proposé aux enfants. La matinée est consacrée au travail scolaire, sur des matières définies avec les partenaires comme prioritaires (mathématiques, français, anglais, histoire-géographie). En plus de l'éducateur, un jeune en service civique volontaire est présent, ce qui permet un encadrement et un soutien renforcés des élèves. Un lien permanent (par mail ou fax) est assuré avec les collèges, afin de suivre le plus possible le programme réalisé pendant ce temps à l'école. La pause du déjeuner, dans une des cantines scolaires de la ville, est également un temps éducatif (à la différence de ce qui se fait au Québec). L'après-midi, des ateliers collectifs sont animés par l'éducateur, soit à partir de supports écrits (questionnaires...), soit à travers des temps d'échanges, des jeux de rôles... Les séances permettent d'aborder la gestion des conflits, l'estime de soi, la motivation, dans un souci de valorisation des goûts et des capacités des enfants.
Lors de son retour dans son collège, le jeune est accompagné par l'éducateur et par ses parents si ces derniers le souhaitent. Un mois après l'expérience, l'éducateur revoit le jeune et reprend contact avec la famille, pour éventuellement les conseiller et les soutenir dans les démarches engagées (dans le cadre d'une réorientation par exemple). En 2011, conformément au dispositif tel qu'il est mené au Québec, il n'y a pas eu de possibilité de ré-accueillir l'enfant une deuxième fois. En 2012, cette possibilité sera vraisemblablement offerte, en étant cependant vigilant à ne pas créer de rapport de dépendance, en veillant à ce que ces temps en dehors de l'école soient réellement un facteur d'accroissement de l'autonomie de l'élève au collège.
Un temps de pause pour redonner l'envie d'apprendre à l'école
La méthode Alternative Suspension offre aux enfants pris en charge un autre lieu, mais aussi un autre regard et un autre type de rapport à l'adulte, pour évoquer les questions importantes de l'éducation, de l'implication dans les études, du nécessaire respect des autres, etc. Ce qui semble particulièrement intéressant et constituer un apport par rapport aux méthodologies traditionnelles correspond à la présence de trois éléments : un lieu neutre, une personne extérieure et l'absence de jugement. Cela permet à l'enfant de se confronter à un regard différent, dans un cadre où les enjeux ne sont pas les mêmes, ce qui lui donne la possibilité de prendre du recul.
Le discours de l'éducateur peut être amené à confirmer celui de l'école, mais dans un langage autre et dans une posture différente. Le lien de confiance et de respect créé avec l'enfant et sa famille permet de redonner une certaine crédibilité au professeur, au principal, à l'école plus généralement. L'éducateur de la Ville peut ainsi jouer le rôle, non pas d'interface ou d'intermédiaire, mais de facilitateur du lien, à un moment particulier de crispation. Les premiers retours démontrent une certaine réussite, surtout lorsque l'on intervient suffisamment en amont. Alternative Suspension fonctionne mieux dans un cadre de prévention ; lorsque l'enfant a « décroché » depuis longtemps, il est beaucoup plus difficile (et sans doutes plus long) de provoquer le fameux déclic qui lui permettra de se réinvestir dans sa scolarité.
L'approche d'Alternative Suspension est comportementaliste : avec l'enfant, il ne s'agit pas de se pencher sur les causes de ses conduites passées ou de son mal-être, mais de s'appuyer sur son comportement, ici et maintenant. La méthode va de paire avec un regard positif : c'est en valorisant ce que l'enfant fait de bien qu'il pourra retrouver de la confiance et de la motivation. Plus généralement, la Ville de Courcouronnes souhaite promouvoir l'idée d'une éducation à plusieurs entrées : multiplier les portes d'entrée, les méthodologies, offre plus de possibilités aux élèves, mais aussi aux parents, de résoudre leurs difficultés. Cette logique d'expérimentation est confortée par une démarche d'évaluation. Dans le cadre du Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS), Courcouronnes a obtenu un financement pour l'évaluation des premiers impacts de « Alternative Suspension » par un cabinet d'études international. En outre, les pratiques éducatives seront bientôt analysées grâce à plusieurs temps d'observation par une éducatrice thérapeute systémique.
Bilan
- Entre décembre 2010 et juin 2011 : 32 élèves pris en charge par le dispositif.
- Avec des résultats contrastés selon le profil des élèves (la méthode fonctionne mieux dans un contexte préventif), on constate que l'élève est déjà dans une démarche de réflexion à la fin des quelques jours.
- Une bonne implication des parents, qui étaient tous présents lors du retour de l'enfant au collège.
- Les forces et faiblesses d'Alternative Suspension seront prochainement mises en évidence par l'étude financée dans le cadre du CUCS.
Partenaire(s)
Un comité de pilotage dans le cadre de la stratégie d'action éducative de la Ville de Courcouronnes « persévérance scolaire et éducation tout au long de la vie ».
Partenaires opérationnels
YMCA (Young Men's Christian Association) de Montréal : formation et ingénierie.
Collèges de Courcouronnes et de Ris-Orangis.
Partenaires financiers
ACSE, avec le délégué du préfet, dans le cadre de la politique de la Ville.
Ministère de la jeunesse
Pour la deuxième année de fonctionnement : Conseil général de l'Essonne.
Moyens
Humains
1 ETP éducateur spécialisé + appui d'1 jeune adulte en service civique volontaire + ingénierie de la direction de la politique éducative de la Ville de Courcouronnes.
Financiers
Environ 50 000 euros pour la première année de fonctionnement, intégrant :
- Le salaire des intervenants,
- Une quote-part de l'ingénierie Ville,
- Les formations et déplacements au Québec (YMCA).
Matériels
Un local mis à disposition par la Ville.
Contact
BOURTHOUMIEU Frédéric
Ville de Courcouronnes
Adresse : 2, rue Paul Puech
91080
Courcouronnes
France
Tél. : 01.69.36.66.66
Courriel : frederic.bourthoumieu@courcouronnes.fr
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