Protection de l'enfance : changer de chaise pour changer de posture
Type d'action
- Protection de l’enfance
- Partenariat / transversalité
- Pratiques professionnelles
Département
Oise (60)Sur le vif
« Quelques jours après la séance qui s'est déroulée au Conseil général, j'ai trouvé un nouveau souffle dans mon travail qui avait davantage de sens, et je me suis aussi trouvée dans des prises en compte différentes des familles et du travail effectué avec elles, de ce qui est vraiment important. » Une professionnelle.
Porteur(s) de l'action
Observatoire départemental de la protection de l'enfance du Département de l'Oise.
Objectif(s) et bref descriptif
Les lois de 2002 et de 2007 placent les familles au coeur des dispositifs de protection de l'enfance. Mais à l'heure où la conception et le rôle de celles-ci évoluent, quels sont réellement leurs besoins. En 2012, l'observatoire départemental de la protection de l'enfance de l'Oise se saisit de la question de la prise en compte des besoins des familles par l'institution. Cette approche touchant aux postures des élus, des professionnels et des familles, l'observatoire retient une méthodologie fondée sur le théâtre forum, de manière à permettre à chacun de « changer de chaise » pour mieux comprendre l'autre, ses besoins, ses attentes mais aussi ses ressources.
Origine(s)
Le projet « changer de chaise pour changer de posture » naît du constat d'une injonction contradictoire, source de confusion pour des professionnels de la protection de l'enfance, souvent tiraillés entre accompagnement et jugement. De fait, les activités de protection de l'enfance nécessitent une empathie à l'égard de la souffrance, du désarroi et parfois de la violence des familles. En parallèle, les évolutions législatives et des problématiques renforcent la nécessité d'un changement de posture de tous les acteurs de la protection de l'enfance, à commencer par les élus, les professionnels et les familles.
En s'inspirant des ateliers « Haut-Parleurs », démarche similaire mise en place dans le Finistère, l'observatoire départemental de la protection de l'enfance de l'Oise composé d'un comité de pilotage partenarial (Conseil général, justice, Etat, associations, pédiatrie) souhaite engager une réflexion collective autour de la politique de protection de l'enfance, afin de se doter de dispositifs et de pratiques mieux adaptées aux problématiques des familles. A travers cet état des lieux, il s'agit de recenser les difficultés et les attentes qui se posent en matière de protection de l'enfance. Mais au-delà d'une production de connaissance, il s'agit, par l'observation partagée et réflexive, d'animer une dynamique de communication et de compréhension mutuelle entre tous les acteurs concernés. En décidant d'associer les familles (appelés ici « usagers-citoyens »), l'observatoire veut aussi évaluer la faisabilité et la valeur ajoutée des méthodes participatives.
Description détaillée
https://www.dailymotion.com/embed/video/x1am697
Au dernier trimestre 2011, l'observatoire départemental de la protection de l'enfance de l'Oise met en place un comité technique spécifique, rassemblant des professionnels des trois directions thématiques des solidarités (enfance/famille, cohésion sociale/insertion, autonomie des personnes), des cadres stratégiques et opérationnels et les représentants d'associations partenaires habilitées. Ces personnes sont invitées à réfléchir à l'élaboration d'un projet participatif, visant à établir un état des lieux des besoins des familles en matière de protection de l'enfance et à renforcer la compréhension entre élus, professionnels et familles.
C'est ainsi que « Changer de chaise pour changer de posture » se dessine et est finalement pensé en cinq étapes. En mars 2012, le projet est présenté aux professionnels et aux élus, en intégrant les structures associatives partenaires, à l'instar des maisons d'enfants à caractère social (Mecs). Les professionnels sont alors invités à relayer la démarche auprès de familles ayant bénéficié d'un suivi au titre de la protection de l'enfance par le passé. Un mois plus tard, trois groupes sont créés sur la base du volontariat : professionnels, élus et familles.
La deuxième étape du projet se met en place au cours des mois de mai et juin 2012. Il s'agit alors de deux temps de préparation par groupe de pairs. Animées par des professionnels issus du théâtre, ces séances ont vocation à instaurer une ambiance conviviale, propice à l'expression. Il s'agit aussi de préparer des sketchs autour de la protection de l'enfance, mettant en scène professionnels, familles et élus.
Cette préparation terminée, la troisième étape, le regroupement des trois collèges, peut débuter en juin 2012. Le temps d'une soirée, les participants (15 professionnels, 12 usagers citoyens, 5 élus) jouent les scénettes préparées entre pairs et chacun est invité à réagir, à proposer des variantes. Ainsi un professionnel devient le membre d'une famille ou un élu durant une scénette et réciproquement. A travers les jeux de rôles, les participants sont amenés à décentrer leur point de vue et à mieux comprendre les enjeux et les contraintes de leurs interlocuteurs. Si cette prise de conscience est parfois violente, la méthodologie fondée sur le théâtre et la participation permet d'expliciter les blocages et les désaccords dans une dynamique de respect et de compréhension mutuelle, chacun étant placé sur un même niveau. Les échanges ont d'ailleurs été filmés, afin de restituer au mieux la séance aux participants à l'occasion d'un second temps. De fait, la première version du film est d'abord considérée comme insatisfaisante par les participants, parce qu'elle ne reflète pas assez l'ambiance conviviale et la liberté d'expression présentes ce jour-là. Le film sera donc remanié par la suite, pour mieux correspondre au ressenti positif des parties prenantes.
Changer de chaise pour changer de posture - Video par joachim-reynard
Lors de ce second rassemblement, le visionnage du film débouche sur un débat autour des suites à donner à cette expérience. Bien que les échanges n'aient pas permis de consensus sur tous les sujets, tous les participants s'accordent cependant sur l'intérêt et la nécessité du prolongement du projet.
Pour mieux évaluer les impacts de la démarche, l'observatoire entame une quatrième étape de juillet à septembre 2012, en procédant à un entretien individuel avec chaque participant. Ces entretiens sont l'occasion de revenir en détails et avec du recul, sur la manière dont chacun a vécu cette expérience. S'il ressort que la confrontation à certaines idées a parfois été difficile, la démarche a été globalement enrichissante.
Dans un cinquième temps, en février 2013, l'observatoire et tous les participants convient les équipes du Conseil général à des séances de restitution. La restitution du projet se fait à travers les témoignages des participants et aux moyen de deux supports : le film et un journal du projet. La compréhension semble moins évidente pour les professionnels qui n'ont pas vécu la démarche. L'observatoire vise ainsi à toucher 653 professionnels qui oeuvrent au contact des usagers.
Au final, on compte des impacts transversaux et d'autres propres à chaque groupe d'acteurs. Parmi les impacts communs et repérés par tous, il faut noter la possibilité de s'exprimer sur un pied d'égalité le temps d'une séance. Cette expérience a aussi permis à tous les acteurs de mieux comprendre la place des autres et les impacts de leur attitude propre sur autrui. Enfin, plusieurs constats partagés ont pu être posés suite à la démarche :
- L'isolement de chacun des acteurs et le caractère anxiogène de la protection de l'enfance.
- La méconnaissance des missions des uns et des autres et l'existence d'a priori.
- Chaque acteur porte un intérêt à l'enfant et à sa famille.
- Une envie commune de bien faire.
Par ailleurs, il apparaît que les usagers se sont initialement mobilisés par curiosité, pour savoir pourquoi et comment se déroule la démarche. Mais ils ont rapidement su prendre leur place, dans le respect et dans l'échange. S'ils ont mis en évidence leurs difficultés et leur détresse, ils ont aussi donné à voir leurs potentialités cachées et qui ne sont pas toujours aisées à percevoir pour les travailleurs sociaux. Cette démarche a aussi été source de revalorisation de soi pour les usagers-citoyens, qui reconnaissent la difficulté de la prise de décision en matière de protection de l'enfance.
Bien que la participation des professionnels était basée sur le volontariat, c'est le groupe qui a montré le plus de réserves au début du projet. Si le lâcher prise n'était pas toujours complet et évident à atteindre pour ces professionnels, ils n'en ont pas moins été dans une position d'observateurs attentifs. Pour une fois, l'expérience leur a permis de ne pas vivre la violence mais de simplement l'écouter. Cette posture d'apprentissage a été extrêmement bénéfique au final, puisqu'elle a permis aux professionnels de réinterroger leurs pratiques et de mieux comprendre la position des élus, qui se sentent parfois démunis face aux usagers.
Les élus se sont montrés très spontanés, ce qui constitue une des clefs de la réussite de la démarche. Ils ont pu montrer l'importance pour eux d'avoir des éléments concrets pour bien faire leur travail, que ce soit en matière d'organisation des services en tant que chefs du personnel, en matière de problématiques et des réponses offertes en tant que représentants de la démocratie sur leur territoire, ainsi que la nécessité d'avoir une vision globale pour piloter efficacement l'institution et les dispositifs. Ils se sont aussi réinterrogés sur leurs pratiques durant les permanences et ont mis l'accent sur l'importance de travailler tous ensemble et d'humaniser les dispositifs.
A l'issue de la phase de restitution, le projet a démontré son intérêt et les suites sont actuellement à l'étude, autour de deux axes centraux : créer des espaces complémentaires pour accompagner les usagers et déployer de nouvelles postures professionnelles. L'observatoire souhaite que les cadres s'emparent de la démarche et propose de réitérer l'expérience de groupes mixtes entre élus, professionnels et usagers sur des thématiques plus précises, retenues d'après le contenu des échanges. En conservant la méthodologie d'animation fondée sur le théâtre, il s'agirait alors de s'interroger sur :
- La place de chacun dans l'institution : comment mieux travailler ensemble
- Mon enfant est placé, qu'a-t-on fait pour moi
- C'est difficile la vie de famille, comment aider
- Je vais avoir 18 ans, comment vais-je me débrouiller
Bilan
- Renforcement de la communication entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, y compris les familles
- Diagnostic partagé (constats communs sur la situation et les pistes d'amélioration)
- Réflexivité accrue sur les postures et les pratiques de chacun : les familles se sont appropriées le dispositif, dont elles ont une vision plus globale qu'auparavant. Les professionnels ont entendu la souffrance des familles et la confusion des élus et peuvent désormais en tenir compte. Les élus se sont mis au niveau des autres acteurs, pour mieux s'imprégner d'un domaine parfois peu investi par le politique.
- Valorisation des familles
Partenaire(s)
Conseil général de l'Oise
Association domicile 60
Association Temps de vie
Association JCLT (groupe SOS)
Troupe de théâtre « Alter Ego »
Moyens
Budget
14 000 euros (8 000 euros pour l'animation théâtrale et 6 000 euros pour la mise en mémoire sur vidéo/le montage).
Moyens humains
1,5 équivalent temps plein pendant un an + 4 réunions du comité technique (30 personnes).
Pour en savoir plus
>Consultez le journal des participants
Contact
OUVRARD Sophie
Observatoire départemental de la protection de l’enfance de l’Oise - Conseil général de l’Oise
Adresse : 1, rue Cambry - CS 80 941
60024
BEAUVAIS Cedex
France
Tél. : 03 44 06 60 60
Courriel : odpe60@cg60.fr
Site web : www.cg33.fr
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