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Autonomie

A Mézin, la vitalité du village passe par l'épanouissement de ses travailleurs handicapés

Type d'action

  • Accès à l'emploi
  • Développement social
  • Etablissement
  • Habitat
  • Handicap
  • Inclusion
  • Lien social
  • Santé

Département

Lot-et-Garonne (47)

Sur le vif

« Nos travailleurs ont toujours besoin d'une canne, d'un lien affectif. Il ne faut pas grand-chose pour que ça tienne, et à l'inverse pas grand-chose pour que ça se défasse. Le fonctionnement original que nous avons construit, en particulier grâce à la souplesse qu'il offre, permet à chacun de se sentir bien et épanoui dans sa vie quotidienne ». Le directeur de l'Esat de Mézin

Porteur(s) de l'action

Association L'Essor

Objectif(s) et bref descriptif

Blanchisserie, cordonnerie, brocante..., en proposant diverses activités répondant à des besoins non couverts, le travail en Esat de plus de soixante personnes handicapées psychiques contribue à relancer la vie économique et sociale du village de Mézin et apporte une vraie réponse au défi de l'intégration des malades psychiques dans la société. Grâce à un partenariat solide et constamment entretenu avec tous les acteurs de la vie du village, l'association porteuse réussit à susciter des bénéfices réels, économiques et humains, et permet en particulier d'éviter des retours difficiles pour les personnes malades en hôpital.

Cordonier en train de travailler. Il porte une veste bleu et est en train de polir une chaussure avec une machine spécialisée.

Origine(s)

En 1988, un habitant de Mézin, commune rurale du Lot-et-Garonne, manifeste son intention de faire un don pour rénover un beau bâtiment, ancien monastère devenu collège pendant un temps. Une condition est cependant posée : le bâtiment rénové devra être destiné à accueillir de jeunes enfants ou des personnes âgées. Or, la commune à la population vieillissante ne recense que peu de besoins concernant les enfants ; quant aux personnes âgées, une maison de retraite remplit déjà la mission d'accueillir ceux qui en auraient la nécessité.

A défaut d'aide financière, qui n'arrivera finalement jamais faute d'accord avec le potentiel donateur, la mairie se saisit de l'idée de concevoir un projet utile à Mézin et à la société. Pour cela, la commune demande l'aide d'un ancien habitant de Mézin, un éducateur spécialisé devenu directeur d'établissement médico-social. Ce dernier, avec l'association nationale d'action sociale et médico-sociale L'Essor, établit un double constat. D'une part, le secteur du handicap psychique a de vrais besoins, en particulier pour aider les personnes malades, stabilisées mais encore fragiles, au moment de leur sortie d'hôpital. D'autre part, le village de Mézin et le canton souffrent de difficultés démographiques et économiques. Après la fermeture d'usines de liège, le territoire a perdu de sa vitalité, un mouvement d'exode s'est amorcé et les dernières activités économiques courent le risque de disparaître.

L'idée est donc de relier les deux problématiques pour mieux les résoudre. Grâce à l'intégration de personnes handicapées psychiques dans la vie locale et le tissu économique de Mézin, on vise un double bénéfice : offrir aux malades un cadre de vie serein et des activités adaptées, tout en redynamisant l'économie du village. Cette idée, audacieuse et ambitieuse, n'est cependant pas du goût de tous. Pendant cinq ans, l'éducateur devenu chef du projet a ainsi pour mission de travailler avec la mairie, de rencontrer les habitants, les commerçants et tous les intervenants de la vie locale (police, école...) pour rassurer, expliquer, convaincre. C'est surtout du côté des commerçants que les craintes sont les plus importantes : de nouvelles activités économiques subventionnées par les pouvoirs publics ne représentent-elles pas une concurrence quasiment déloyale pour eux... Il s'agit donc de leur faire comprendre que l'implantation du CAT (centre d'aide par le travail, ancienne dénomination de l'ESAT) et des structures d'hébergement viendra au contraire les aider : plus d'emplois, plus de consommation à Mézin' Au-delà, c'est surtout la peur de la différence qui requiert forcément un certain temps d'adaptation de la part des habitants.

Finalement, en 1993, le CAT obtient l'agrément et, avec trois travailleurs et un encadrant, l'activité commence par de menus travaux chez les particuliers. Le dispositif passe rapidement à 5, puis 7 travailleurs, puis 24... Aujourd'hui, les personnes handicapées psychiques y travaillant sont au nombre de 64. Parallèlement à l'intensification et la diversification des activités, des solutions d'hébergement adaptées à chacun se mettent en place et une vie sociale bien intégrée au village se construit.

Description détaillée

Le projet de l'association l'Essor à Mézin fait le pari de l'articulation entre un projet personnalisé, adapté aux caractéristiques et à l'évolution de chaque personne, et une dimension collective importante. Cette dernière passe par le fait d'intégrer complètement les activités de l'association dans la vie économique et sociale du village. Au-delà de l'intégration, la présence des personnes, handicapées et encadrantes, constitue un apport concret en matière de redynamisation de la vie locale.

Un projet adapté à chacun
Le premier objectif du système mis en place est d'offrir un cadre de vie et de travail adapté à des personnes sortant d'une période d'hospitalisation psychiatrique et d'éviter au maximum les retours en établissement hospitalier. Pour cela, l'association construit avec le nouvel arrivant un projet d'accompagnement personnalisé visant à effectuer, de manière concertée, les bons choix en matière d'hébergement et d'activité.

En ce qui concerne l'hébergement, il existe quatre solutions permettant une certaine capacité d'adaptation à l'autonomie et les aspirations de chaque personne. Une résidence-foyer, avec la présence permanente d'un éducateur et d'un veilleur de nuit, accueille les personnes les moins autonomes, avec une certaine souplesse. Par exemple, si l'habitant est capable de se faire ses repas, il bénéficie d'un appartement avec cuisine équipée ; mais s'il souhaite un soir dîner avec ses collègues, il peut rejoindre la cuisine commune. Une autre résidence-foyer abrite sept appartements pour des personnes ayant une certaine autonomie ; un éducateur est présent entre 17h et 22h. D'autres personnes sont suivies dans le cadre d'un service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS). Enfin, douze personnes logent de manière totalement autonome dans la commune ou aux alentours.

Par rapport à l'activité dans l'ESAT (établissement et service d'aide par le travail), un contrat d'aide et de soutien est passé entre l'association l'Essor et chaque travailleur. Une réunion pendant laquelle le travailleur est présent du début à la fin permet de définir et négocier ensemble l'organisation du travail et des soins. Selon l'évolution de l'état de santé de la personne, des rencontres permettant de réajuster ce contrat ont lieu plus ou moins régulièrement (tous les deux-trois mois, deux fois par an, une fois par an...). Un nouvel arrivant a la possibilité d'essayer un peu toutes les activités avant d'être affecté au poste de travail qui lui correspond le mieux. Une fois l'intégration réalisée, on favorise un certain sentiment d'appartenance à un métier et à une équipe, qui participe d'un processus de valorisation et de reprise de confiance en soi. Toutefois, la dimension collective n'est jamais loin et la polyvalence est également encouragée : les personnes peuvent momentanément changer d'activité si des besoins urgents se font sentir, dans une logique commune d'entraide.

Des structures d'activité et d'hébergement intégrées dans le village
Un principe fort du projet est celui de permettre une intégration réelle des personnes handicapées dans le village. Cela passe en particulier par l'absence d'affichage et de stigmatisation des lieux d'accueil et d'activité. Les structures d'hébergement sont ainsi toutes dispersées dans le village. Quant aux activités commerciales, elles possèdent toutes une devanture similaire à celle de n'importe quel autre boutique, sans logo de l'association ni mention particulière.

Parallèlement à cette absence d'affichage, qui est importante, l'intégration est réalisée grâce à une étroite collaboration entre l'association et tous les acteurs de la vie locale : l'équipe municipale, les entreprises, les artisans... Vis-à-vis des entreprises, il s'agit notamment de construire une réelle complémentarité et une capacité de collaboration dès que celle-là peut constituer un apport positif. Par exemple, pour la rénovation de bâtiments destinés à l'accueil des travailleurs, une collaboration avec l'office HLM local et la mairie a permis de faire travailler des entreprises locales. En outre, l'intégration des personnes handicapées vis-à-vis des autres habitants passe par la preuve de l'utilité des activités développées, répondant à des besoins non couverts jusque là.

Les activités, progressivement développées dans le temps, correspondent aujourd'hui à :

  • Une blanchisserie,
  • Une cordonnerie,
  • Une brocante,
  • Un atelier d'entretien des espaces verts,
  • Un atelier « multi-services » pour les particuliers,
  • Des missions de services aux entreprises et aux artisans locaux.

Ces petites entreprises ont peu à peu gagné la confiance des clients. Ainsi la cordonnerie fonctionne bien. La blanchisserie, qui gérait un volume de 4 kg par jour à ses débuts, est désormais à 500 kg par jour grâce à un fonctionnement s'appuyant sur la récupération de linge, notamment dans des maisons de retraite, avec des livreurs. Et globalement, en dix-huit ans de fonctionnement, l'ESAT n'a jamais eu à subir de déficit.

Un village dynamisé par la solidarité
D'un point de vue économique et démographique, la présence de l'ESAT a donc des répercussions importantes sur le dynamisme du village de 1 500 habitants. Une part importante du budget de fonctionnement des activités et de l'hébergement est en effet engagée dans les circuits de l'économie locale. En outre, la création d'emplois s'est appuyée autant que possible sur les ressources humaines du territoire, avec notamment l'embauche de douze personnes alors au chômage pour des postes d'encadrants techniques. Enfin, la consommation induite par l'arrivée progressive de plus de 100 personnes (travailleurs handicapés et personnel d'encadrement) a certainement contribué à éviter la fermeture de certains petits commerces.

Le dispositif a également un impact fort sur les dynamiques de lien social. Outre les liens naturels d'interconnaissance développés dans le temps, deux initiatives apportent une dimension humaine supplémentaire au projet. Tout d'abord, les travailleurs handicapés ont créé une association d'usagers, LEA (Loisirs Essor Association), pour organiser des activités culturelles, sportives, mais aussi humanitaires. L'association a une particularité : elle est ouverte aux autres habitants, à travers des rencontres sportives par exemple. L'ouverture est d'ailleurs plus large, puisque des échanges internationaux ont commencé à se structurer avec une autre association au Canada. Le bureau de l'association LEA, avec le directeur de l'ESAT, a ainsi participé à un colloque international en Ontario sur la participation citoyenne des personnes handicapées. Les projets de cette association d'usagers contribuent donc au développement d'échanges conviviaux et valorisants entre les travailleurs et leur environnement plus ou moins proche.

La deuxième initiative correspond à la « brocante », un lieu un peu particulier qui remplit plusieurs fonctions. En effet, l'expérience du travail avec des personnes handicapées psychiques a fait prendre conscience à quel point des petites choses peuvent faire évoluer très rapidement l'état d'une personne, de manière positive mais aussi négative. Ainsi la fragilité de ces personnes a pu, dans le passé, conduire à effectuer des retours soudains en milieu hospitalier. Quatre ans après le début de l'activité, le directeur et son équipe ont donc imaginé de créer un lieu de « restauration » des meubles et des personnes. Lorsqu'une personne ne va pas très bien, elle a la possibilité de faire quelques jours de « brocante », c'est-à-dire d'être au calme dans une boutique, avec la présence d'un éducateur spécialisé et d'une personne chargée de la partie soins. Ce lieu de repos et d'écoute constitue donc une sorte de sas thérapeutique permettant bien souvent d'éviter des hospitalisations. Il est à noter que les habitants de Mézin contribuent au bon fonctionnement de ce système, puisqu'ils appellent l'association lorsqu'ils jugent que l'état d'une personne s'est dégradé. Enfin, la période de « brocante » ne stigmatise pas la personne ; il s'agit d'une activité comme une autre, avec quelques petites tâches à effectuer, et notamment l'accueil d'éventuels touristes qui ne se doutent de rien. Au terme de quelques jours de retraite, la personne retrouve son poste de travail au sein de son équipe. Pour éviter que les moments de rechute ne se transforment en réel retour en arrière, la création d'un climat serein et bienveillant au village apparaît comme une solution efficace.

Bilan

Intégration sociale de 64 personnes handicapées psychiques

  • Amélioration au niveau du bien-être et de l'épanouissement des personnes dans leur vie quotidienne, baisse du nombre de retours en hospitalisation.
  • Une vraie intégration sociale : un projet personnalisé pour chacun (hébergement et activité), des liens de tous les jours (à travers le travail, les loisirs et l'entraide) développés au sein de l'association et avec les habitants du village, une valorisation des activités exercées dans le village.

Redynamisation de la vie locale

  • Environ 500 000 euros réinjectés dans l'économie du village (fonctionnement courant : nourriture, loyers' mais aussi travaux de construction et de rénovation).
  • Aucune fermeture de commerce à Mézin depuis 1993, alors que certaines activités auraient pu être en difficulté (coiffeurs, magasin de chaussure...).
  • Une activité excédentaire de l'Esat, plus de 40 emplois directement créés, notamment pour 12 personnes qui étaient alors en situation de chômage (pour la constitution des équipes d'encadrement, à compétence égale, les chômeurs ont été privilégiés).

Partenaire(s)

Partenaires opérationnels du projet
Maires du canton, hôpital psychiatrique d'Agen (avec un lien étroit avec le médecin et les infirmiers de secteur qui réalisent notamment les injections et des entretiens psychiatriques à l'extérieur de l'institution), entreprises et artisans locaux, associations UNAFAM (Union Nationale des Amis et Familles de Malades Psychiques) et Croix Marines.

Partenaires financiers
conseil général du Lot-et-Garonne et agence régionale de santé de l'Aquitaine.

Moyens

Humains
1 directeur et 3 adjoints, 40 salariés d'encadrement (pour l'hébergement : moniteurs-éducateurs, éducateurs spécialisés, aides médico-psychologiques, conseillères en économie sociale et familiale ; pour le travail : des professionnels du métier formés à l'encadrement).

Financiers
ESAT : budget de 712 800 euros.
Foyer : budget d'environ 1 million d'euros.
SAVS : budget de 134 400 euros.
Chiffre d'affaire de l'activité commerciale : 527 600 euros (finance les salaires + une prime annuelle sous forme de chèques vacances/cadeaux + réinvestissement dans l'activité).

Matériels
Une maison-mère, au sein d'un bâtiment mis à disposition par la mairie, abritant notamment le secrétariat, des soins, les repas du midi en semaine et une petite section hôtelière.

Des résidences-foyers (15 appartements en tout), une maison du SAVS (permettant aux personnes de rencontrer les éducateurs, de faire des activités...), plusieurs points de vente : les logements et locaux appartiennent à des bailleurs sociaux et privés.
 

 >>Consulter l'article du Journal des acteurs sociaux rédigé par Apriles 

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