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Enfance & Famille

Médiation sociale en milieu scolaire en Guyane, une intervention efficace dans un territoire d’exception

Type d'action

  • Prévention
  • Développement social
  • Inclusion
  • Education
  • Parentalité
  • Protection de l’enfance
  • Accès à l'emploi
  • Partenariat / transversalité
  • Pratiques professionnelles

Département

Guyane (973)

Sur le vif

« Comme médiateur on ne moralise pas, on propose, on ne juge pas, même les harceleurs », Un des six médiateurs guyanais.

Porteur(s) de l'action

Centre de Ressources Politique de la Ville de Guyane (Commissariat général à l’égalité des territoires – CGET)

Objectif(s) et bref descriptif

Afin de faciliter la scolarisation, de mieux accompagner élèves et familles, de lever les incompréhensions entre les familles et l’école, et de lutter contre le harcèlement et la violence à l’école, plusieurs collèges et écoles primaires de Guyane situés en quartiers prioritaires politique de la ville, ont expérimenté la mise en place d’un poste de médiateur à l’École. Ce dispositif partenarial qui réunit notamment établissements scolaires, collectivités territoriales, préfecture et centre de ressource en politique de la ville, semble particulièrement adapté dans un territoire aux problématiques complexes et dans lequel les liens entre l’institution scolaire et les parents sont fragiles.

Origine(s)

Le collège et l'école, reflets de la société
La Guyane connait une croissance démographique très dynamique, due au nombre important de naissances (le solde naturel reste le principal moteur de la croissance1) mais également à une forte immigration venue des pays voisins. Environ un tiers de la population est étrangère, étant précisé que l’immigration illégale augmente probablement cette proportion. 43% des 250 000 habitants a moins de 20 ans pour 24% en métropole et le doublement de la population totale depuis 1990 ne s’est pas accompagné d’une mise à niveau de l’offre scolaire. Ainsi le nombre de places à l’école et au collège est en deçà des besoins et les collèges connaissent une sur-occupation peu propice à la sérénité des élèves : classes surchargées, problèmes de salles, de gestion des récréations… Par ailleurs la transition entre le collège et le lycée n’est pas toujours fluide.
D’autres problèmes matériels s’ajoutent : un réseau de transports qui reste à développer, des problématiques de desserte horaire des transports scolaires, l’absence de cantine et son corolaire avec l’errance d’une partie des des élèves dans le quartier lors des pauses méridiennes.
Les constats quant à la situation des élèves mêlent problèmes partagés avec la métropole (manque de civisme, jeux dangereux, violence verbale, absentéisme…) et difficultés propres au territoire (des élèves ayant une maitrise partielle de la langue française, des parents ayant des difficultés de compréhension du système scolaire : ne maitrisant pas la langue et n’ayant eux-mêmes pas été scolarisés, des élèves ayant des problématiques de logement précaire (habitat spontané), cohabitation intergénérationnelle…). (un grand nombre d’élèves ne maîtrise pas la langue française, discriminations et violences entre communautés, un grand nombre d’élèves vit en quartiers d’habitat spontané dont les démolitions sont régulières, grossesses précoces…).

Enfin le renouvellement fréquent des enseignants venus de métropole ne favorise pas la solidité des équipes pédagogiques. Pour les établissements scolaires former une communauté éducative autour des enfants est donc une véritable gageure dans ce contexte.

La médiation, une approche particulièrement adaptée aux problématiques de Guyane
Dès 2010 le Centre de Ressources Politique de la Ville (CPRV) de Guyane s’interesse à la question du climat scolaire suite aux sollicitations de plusieurs acteurs de terrain. Mais c’est réellement en 2013 qu’une réflexion autour de la présence de médiateurs à l’école va émerger. Au mois d’avril, le CRPV organise un cycle de qualification portant sur la « Médiation sociale » pendant lequel une journée est consacrée à la médiation en milieu scolaire présentée par l’association France Médiation.

En effet, en 2012, dans le cadre de la mobilisation contre le harcèlement à l'école et le décrochage scolaire, et en réponse à un appel à projet de lutte contre le harcèlement scolaire lancé par le Fonds d’Expérimentation pour la Jeunesse2, France médiation a été retenue pour mettre en place une expérimentation nationale de médiation sociale dans 156 écoles élémentaires et collèges. Ce travail visait alors à répondre à des constats nationaux partagés : le harcèlement touche 10% des élèves, 140 000 élèves sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, le passage de l’école élémentaire au collège est un facteur important de difficultés scolaires, les tensions entre l’École et les parents sont de plus en plus visibles, la France est l’un des pays d’Europe où l’impact des inégalités sociales est le plus fort sur le parcours des élèves.

Des constats qui ne sont pas sans rappeler ceux faits en Guyane où l’on observe des taux d’échec scolaire, des taux de chômage et d’inactivité très élevés. La journée de formation animée par France Médiation autour de la médiation en milieu scolaire va donc permettre aux institutions et acteurs locaux présents de partager leurs constats sur la nécessaire évolution des réponses institutionnelles et sociales habituelles et de souligner les résultats positifs des actions de médiation (présente sur le territoire guyanais depuis une trentaine d’années, la médiation sociale n’est pas institutionnalisée car très peu d’associations locales en font. Dans chaque communauté, des personnes ressources assurent traditionnellement le rôle de médiateur).
A la suite du séminaire, des échanges se poursuivent donc entre le Rectorat de Guyane, le collège Paul Kapel situé à Cayenne et le CRPV, puis s’élargissent au collège Albert Londres situé à Saint-Laurent du Maroni. Le CRPV accompagne la formalisation des besoins évoqués par les professionnels et dépose en 2014 une demande de subvention au Fond Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD), pour mener une première expérimentation.

Vers la médiation à l’école
Afin de mener à bien cette expérimentation, le CRPV va d’abord réaliser un diagnostic de la situation sociale et des enjeux prioritaires pour chaque établissement. Pour cela, il s’appuie sur les diagnostics sécurité de chaque établissement et sur les fiches de remontées d’incidents régulièrement transmises par les établissements au Rectorat.
La chargée de mission du CPRV fait également des visites sur site : observation de l’arrivée des collégiens le matin, de la récréation, de la pause méridienne, des sorties de classe… Par ailleurs, des entretiens avec les partenaires sont menés : échanges individuels avec différents professionnels des établissements, rencontres avec les partenaires de l’Education nationale (communes, PRE, acteurs associatifs…), et enfin rencontre avec l’Equipe Mobile de Sécurité du Rectorat (L'EMS est une équipe pluridisciplinaire de soutien, de protection et d'accompagnement susceptible d'intervenir dans le cas de situation de crise ou de danger avéré, qui rassemble des personnels de l'Éducation nationale et des spécialistes de la sécurité).
Le projet se coordonne également avec les comités d’Education à la Santé et à la Citoyenneté de chaque établissement afin de veiller à la complémentarité de l’action. Ces comités sont des instances de réflexion, d'observation et de proposition qui conçoivent, mettent en œuvre et évaluent un projet éducatif en matière d'éducation à la citoyenneté et à la santé et de prévention de la violence, intégré au projet d'établissement. L’équipe en charge de l’expérimentation rencontre donc le membres de ces instances afin de recueillir leurs avis sur la situation du collège considéré, de répertorier les actions menées, de présenter des exemples concrets d’actions de médiation menées ailleurs, et ainsi de commencer à réfléchir aux projets possibles. Ces échanges permettent également d’identifier toutes les actions déjà réalisées et tous les moyens disponibles.

De ces différents échanges se dégage un consensus autour du rôle clé que jouent les parents dans la réussite éducative de leur enfant. Il s’agit donc de renforcer le lien de confiance et de proximité des parents avec l’institution scolaire. Si l’ensemble des équipes pédagogiques et administratives au sein des établissements ont déjà pour mission de contacter les parents et d’entretenir avec eux des relations de proximité, cette mission se résume souvent, selon les professionnels eux-mêmes, à de la prise de contact et de l’échange d’informations, notamment au niveau de la vie scolaire. L’assistante sociale entretient cependant des liens plus étroits, mais ne peut gérer qu’un nombre de dossiers limité. Le projet se propose ainsi de mettre en place une ressource qui permette à la fois de traiter un nombre de dossiers conséquent mais qui soit suffisamment flexible en termes de déplacement et de temps pour créer un lien de confiance avec les parents. Cette idée est renforcée par l’expérience du collège Albert Londres qui avait déjà disposé d’un adulte-relais pendant trois ans et qui a pu travailler de manière efficiente la question du contact avec les parents.
Le projet se décline donc concrètement par le recrutement d’un médiateur scolaire pour le collège Paul Kapel et d’un autre pour le collège Albert Londres sur une année scolaire, hors temps de vacances scolaires estivales.

À la rentrée 2016, le projet national porté par France Médiation est pérennisé et étendu à 50 territoires prioritaires de la politique de la ville, toujours porté par l’association France médiation. Parallèlement, à la suite du bilan positif de l’expérimentation en Guyane les partenaires ont souhaité poursuivre et étendre l’expérimentation à d’autres établissements scolaires en intégrant l’expérimentation nationale. Il est donc décidé de déployer la médiation scolaire sur six nouveaux collèges à la rentrée 2017, dans le cadre de l’expérimentation nationale de France Médiation.

Le CRPV est à nouveau le porteur du projet, spécificité propre à la Guyane, en raison notamment du manque d’acteurs de la médiation sur le territoire et adhérents de France Médiation. En effet sur les sites métropolitains les postes de médiateurs sont gérés par des structures de médiation sociale.

Description détaillée

La médiation sociale, une réponse en milieu scolaire
L’intervention des médiateurs s’inscrit dans la définition européenne de la médiation sociale adoptée en 2001: processus de création et de réparation du lien social et de règlements des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose3.

Cependant les particularités du territoire guyanais singularisent les interventions et les réponses des médiateurs. A titre d’exemple chaque médiateur intervient pour une population de 800 à 900 collégiens contre 600 en moyenne en métropole.

Chaque médiateur intervient en respect des 3 axes fixés nationalement pour sa mission :
- Prévention des incivilités, des comportements violents, du harcèlement et des risques liés aux déplacements
- Prévention du décrochage scolaire et de l’absentéisme, lien école-famille-quartier, découverte du monde professionnel
- Développement des comportements citoyens et d’une culture de la tolérance

Le médiateur est avant tout recruté pour ses ses aptitudes et son savoir être, son inclusion au quartier et sa connaissance des langues et des codes culturels. En effet, il est important que les familles se sentent en confiance et reconnues dans leur singularité : issu du territoire dans lequel il intervient, son rôle est avant tout de nouer une relation de confiance entre les élèves, leurs familles et l’institution scolaire, afin de permettre aux enfants de suivre une scolarité paisible, favorable aux apprentissages.
Les médiateurs ont par ailleurs bénéficié d’une formation de 14 jours dispensée par France Médiation avant leur prise de poste, puis de 7 jours aux vacances de la Toussaint.

Les médiateurs témoignent d’un rôle essentiel, celui de valoriser les élèves, d’être dans une logique de respect et une posture adaptée. Il est question d’adapter sa communication à l’élève et sa famille, de rester calme, restaurer la confiance avec les adolescents.

La place du médiateur travaillant au sein de l’établissement, en lien avec les élèves, l’équipe pédagogique et les parents, mais employé par le CRPV constitue l’une des garanties d’indépendance, de neutralité du médiateur. C’est bien tout l’intérêt de cette expérience : pour les familles et les enfants pouvoir se confier et être épaulé par un adulte perçu comme proche du quartier jouant un rôle de tiers avec une institution scolaire parfois vécue comme étant dans une posture de jugement, pour l’équipe pédagogique pouvoir accéder à des informations permettant de mieux comprendre les comportements, de mieux communiquer avec les parents, dans le respect du cadre déontologique et des règles de confidentialité.

Concrètement le médiateur s’est présenté à toutes les classes de 6ème et 3ème en début d’année, pour se faire connaître, créer un lien avec les nouveaux entrants et soutenir les futurs sortants pour qui l’orientation est un véritable challenge.

Son quotidien est organisé en différents temps afin d’être le plus accessible possible : présence dans la cour tous les matins à l’ouverture des grilles et pendant la récréation de 10h pour ce qui est appelé une « présence active de proximité », permanences dans son bureau pour recevoir élèves et parents, réunions régulières avec l’inspection académique, les écoles élémentaires du quartier afin d’établir des liaisons systématiques.
Afin de rencontrer les parents le médiateur peut se déplacer au domicile de la famille.
Il est sollicité par les élèves pour des problèmes de harcèlement avec souvent de la violence, des bagarres entre jeunes, intervient beaucoup dans les situations d’absentéisme pour remobiliser jeune et parents.
Il contribue et participe aux projets menés par les établissements scolaires rentrant dans un des 3 axes, comme le montage d’un atelier débat sur la rumeur par exemple.

Les premiers résultats font état d’une certaine pacification du climat, d’un rôle de transmission et de lien entre élèves, familles, professeurs avec une approche bienveillante reconnue par tous, dans chacun des six établissements concernés.

La médiation sociale favorise les relations partenariales
Le CRPV souligne l’intérêt du travail partenarial mis en place avec l’ensemble des acteurs à l’occasion de la construction du projet et les attentes fortes chez les chefs d’établissements et directeurs d’école, démunis face à l’absentéisme chronique, le décrochage scolaire et la scolarisation aléatoire et qui considèrent l’arrivée des médiateurs comme une ressource supplémentaire et un atout pour la vie scolaire de l’établissement introduisant une culture professionnelle différente.
Par ailleurs, la gouvernance mixte, tout comme le processus de recrutement reflètent la teneur partenariale de l’expérimentation puisqu’ils associent les établissements scolaires et la commune concernés ainsi que la préfecture et le CRPV.
L’équipe des médiateurs est encadrée par un chef de projet Médiation Sociale au CRPV, lequel est en lien avec les référents du médiateur au sein des établissements scolaires (le Conseiller principal d’éducation (CPE) ou coordinateur REP au collège, et le directeur d’école). Sa rémunération est assurée par le CRPV.

France Médiation a publié un guide pratique issue des bonnes pratiques de l'expérimentation nationale de Médiation Sociale en Milieu Scolaire.
> Télécharger la synthèse du guide

Bilan

  • Apaisement des tensions entre l’école et les parents et meilleurs liens entre élèves, familles et professeurs.
  • Contribue à régler les violences entre élèves.
  • Participe à responsabiliser les enfants et à les rendre acteurs de leur parcours d’élève.
  • Participe à la densification du réseau partenarial autour des établissements scolaires.
  • Contribue à la diffusion des pratiques professionnelles de la médiation sociale en Guyane.

Partenaire(s)

État : CGET (CPRV Guyane), Direction Générale des Outre-Mer, Ministère de l’Education Nationale, Préfecture de la Guyane. Rectorat, établissements scolaires.
Collectivité Territoriale de Guyane.
Communes de Matoury, Macouria, Kourou, Rémire-Montjoly, Saint Laurent du Maroni, Cayenne. Communauté d’agglomération du Centre Littoral.
France Médiation

Moyens

Humains
6 médiateurs en contrat adulte relais, 1 ETP chef de projet médiation sociale (fonction d'encadrement), 0,25 ETP responsable Pôle Innovation sociale (fonction gestion de projet, gouvernance), temps de présence du directeur sur les réunions clés et grandes orientations, temps assistante administrative et financière au même titre que les autres salariés

Financiers
Le budget global est d'environ 290 000 euros par an. Il s’agit d’une estimation, le service n’ayant pas encore fonctionné en année pleine.
Au cours de la première année un investissement particulier pour la formation a été financé par Pôle Emploi et Uniformation, principal OPCA des employeurs de médiateurs sociaux ainsi que le CGET dans le cadre de la professionnalisation des adultes relais. 

Matériels
Téléphone et ordinateur portable, un bureau au sein des collèges qui puisse faire office de permanence.

 

1. INSEE Flash Guyane n°57 janvier 2017

2. Ce Fonds créé par l’article 25 de la loi 2008-1249 du 1er décembre 2008 et placé sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale a pour objet de financer des programmes expérimentaux visant à favoriser la réussite scolaire des élèves.

3. http://www.ville.gouv.fr/?mediation-sociale,1715

 

 

Contact

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