A la gare de Metz, un réseau de veille sociale pour aiguiller les plus fragiles
Type d'action
- Lien social
- Inclusion
- Partenariat / transversalité
Département
Moselle (57)Porteur(s) de l'action
Association Espace Solidarité / SNCF
Objectif(s) et bref descriptif
Afin d'apporter une réponse cohérente à l'errance des personnes en situation de grande fragilité sociale, des acteurs privés et publics ont mis en place autour de la gare des outils de coordination et de veille sociale. Un tour de gare sociétal et un point d'accueil présent en gare permettent aux divers intervenants (l'entreprise ferroviaire, les commerçants, les associations, les pouvoirs publics) d'articuler leurs stratégies au profit d'une meilleure prise en charge des personnes isolées.
Ce réseau de veille sociale est impulsé à la fois par la SNCF, qui cherche à impliquer l'ensemble des personnes présentes en gare dans une approche sociétale des problématiques d'errance, et par l'association Espace Solidarité qui accueille les personnes en difficulté. En réalisant un travail d'orientation et de suivi de ces personnes, l'association effectue le lien entre la gare et les ressources sociales présentes dans le reste de la Ville, de l'agglomération voire du pays.
Origine(s)
En 1996, un ancien conducteur de train achève sa reconversion professionnelle en Lorraine et obtient le diplôme d'éducateur spécialisé. Son mémoire porte sur la présence dans la gare de Metz de personnes en très grande difficulté et expose l'idée de la création d'un lieu d'accueil qui leur serait destiné. L'éducateur se voit confier par son employeur, la SNCF, un mandat pour réaliser ce projet, en partenariat avec la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et le Centre communale d'action sociale (CCAS) de la Ville de Metz. Le « Point d'Accueil Solidarité » est d'abord porté juridiquement par la FNARS, jusqu'à la création en 1999 de l'association Espace Solidarité.
Le centre, dédié à une activité d'accueil, d'orientation et de veille sociale, se trouve à la jonction de plusieurs types d'acteurs : entreprise, associations, pouvoirs publics locaux. Du côté de l'entreprise ferroviaire, le centre constitue l'un des premiers Points d'Accueil Solidarité (PAS) que la SNCF cherche à promouvoir dans le cadre d'une stratégie sociétale globale dans les gares. En mettant à la disposition de l'association des locaux, ainsi qu'un agent à plein temps, la SNCF entend s'appuyer sur la démarche pour mener une action cohérente et intégrée en réponse à l'enjeu de l'errance. En 2008, un autre outil de coordination est mis en place par l'entreprise : le tour de gare social et sociétal. S'appuyant sur un diagnostic partagé et réunissant trois à quatre fois par an les différentes personnes impliquées dans la vie de la gare ainsi que des partenaires publics, ce tour vise à trouver des réponses aux différentes problématiques posées par le phénomène de l'errance en gare.
Description détaillée
A Metz, l'errance et la grande exclusion ont été perçues par différents acteurs comme un phénomène nécessitant une réponse particulièrement coordonnée. En effet, par définition, les personnes dans la rue sont mobiles et rencontrent ainsi un grand nombre d'interlocuteurs. D'où la nécessité, pour favoriser le suivi de ces personnes et la cohérence des différentes interventions, de travailler en réseau. Le Point d'Accueil Solidarité et le tour de gare sociétal font de la gare de Metz le pivot d'un réseau de veille sociale destiné à orienter de manière efficace les personnes en situation de grande difficulté sociale.
Un point d'accueil, interface entre la gare et les dispositifs sociaux
La gare est un lieu ouvert, favorisant de ce fait à la fois le passage, mais aussi parfois la fixation de personnes à la recherche d'un abri. A la création du Point d'Accueil Solidarité (PAS) en 1996, plus de soixante personnes dormaient la nuit dans les salles d'attente ou les wagons stationnés. Avec l'idée que cette situation n'était satisfaisante pour personne, que la gare ne pouvait se substituer à l'hébergement d'urgence et à la prise en charge sociale, les deux éducateurs de l'association Espace Solidarité ont travaillé dans le sens d'un lien plus efficace entre la gare et les partenaires extérieurs publics et associatifs. Leur travail comprend trois principales missions : la veille sociale à travers les maraudes, l'accueil et l'écoute, l'orientation vers une solution adaptée.
Tout d'abord, des maraudes sont effectuées quatre fois par jour sur les quais, dans les salles d'attente, dans l'espace de vente et aux abords immédiats de la gare. Ces maraudes constituent une veille sociale : repérer les personnes présentes, amorcer parfois un premier contact, maintenir un lien, orienter vers le PAS ou effectuer tout de suite une démarche en cas d'urgence. Les maraudes visent également à aller au devant des agents de la gare et des commerçants pour prendre connaissance de certaines situations. Dans le cadre du PAS, local présent dans la gare et accessible depuis la rue, les personnes sont accueillies, se voient offrir un café et une écoute. Dans le prolongement de cette mission d'accueil, un travail d'orientation est réalisé en fonction de la situation de chacune des personnes. Ce travail passe par des rapports quotidiens avec l'ensemble des services engagés dans la prise en charge sociale : les services de l'Etat, les CCAS de Metz et d'autres villes de Moselle comme Thionville, les assistantes sociales de secteur du département de la Moselle, le 115, les associations abritant les centres d'hébergement d'urgence et les accueils de jour, les services sanitaires. L'orientation proposée est variable en fonction des publics : accès à l'hébergement, à des soins, mais également aide administrative et accès aux droits, notamment pour les demandeurs d'asile, nombreux dans un département frontalier.
Interface entre le monde de la gare et celui des acteurs sociaux, l'association Espace Solidarité s'appuie notamment sur l'expérience de l'un de ses éducateurs, agent SNCF mis à disposition de l'association. La connaissance de ces deux mondes facilite une meilleure articulation des interventions. Le travail d'orientation de personnes en grande difficulté peut passer également par une tentative de renouer des liens avec le territoire d'origine, grâce à un budget de l'association dédié à l'aide à la mobilité. Fin 2010, afin de soutenir les personnes isolées dans la période difficile des fêtes, le CCAS a en outre apporté une subvention pour permettre un rapprochement familial ou amical de personnes prises en charge dans les structures d'hébergement d'urgence à Metz. Ces aides s'inscrivent dans un accompagnement plus général à l'utilisation des transports (information et aide pratique).
Un tour de gare sociétal pour responsabiliser chacun
Impulsée par le coordinateur citoyenneté et solidarité SNCF de la région Lorraine, et soutenue par une stratégie sociétale globale de l'entreprise, l'approche sociale de l'errance dans la gare de Metz s'appuie sur différents aspects : l'appui au Point d'Accueil Solidarité, la formation des agents et le tour de gare social et sociétal. Ce dernier est révélateur d'un positionnement qui tend à prendre de l'importance dans la stratégie de la SNCF : une action coordonnée de prise en compte des personnes errantes permet d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, de faciliter les conditions de travail des agents ferroviaires et des entreprises présentes en gare et de contribuer à une meilleure prise en charge des publics fragilisés. Il s'agit donc d'une logique globale, à la fois économique et citoyenne, qualifiée de sociétale dans la mesure où les intérêts de l'entreprise de service public sont étroitement liés à ceux de la société dans son ensemble.
La gare est un lieu de passage de populations très diverses, avec la présence permanente de plusieurs types d'acteurs : les différents professionnels du domaine ferroviaire (agents de gare, agents de sûreté et de surveillance, ...), les entreprises opérant dans la gare (sociétés de nettoyage, concédés,...) et les intervenants sociaux (animateurs du Point d'Accueil Solidarité et médiateurs sociaux). En 2008, un diagnostic social et sociétal de la gare de Metz s'appuie sur une consultation de l'ensemble de ces acteurs, ainsi que des institutions locales (maire, directeur du CCAS, ') et des associations. Ce diagnostic vise à constituer un état des lieux sur les personnes en situation d'errance (nombre, caractéristiques, types de comportements') dans et autour de la gare. A partir des constats établis, le document amorce un plan d'action commun à la SNCF et à ses partenaires institutionnels.
Le tour de gare sociétal (TGS), réunissant deux à trois fois par an les différents professionnels SNCF confrontés à la problématique de l'errance en gare ainsi que les acteurs publics, a pour objectif de faire vivre ce diagnostic. Cette rencontre se compose de deux moments distincts : un tour de gare effectif, correspondant à une phase d'observation et de rencontre des concédés et des autres sociétés (nettoyage, surveillance...), puis une réunion en salle destinée à échanger sur les différentes problématiques et sur la mise en oeuvre de solutions. Chacun apporte des éléments d'informations, différents points de vue contribuant à dessiner une vision globale des enjeux. Les réponses apportées peuvent être de trois ordres : technique (aménagement des espaces à l'intérieur et à l'extérieur de la gare), sûreté (intervention de l'équipe de surveillance SNCF ou de la police), accompagnement social. Par ailleurs, un déjeuner annuel convie l'ensemble des acteurs de la gare, y compris les gérants de boutiques, pour réaliser un bilan et un échange d'informations.
Enfin, afin de s'appuyer sur l'ensemble des agents présents en gare, la SNCF organise des sessions de formation sur l'errance et diffuse un guide de l'urgence sociale réalisé par le CCAS de Metz. L'idée est de sensibiliser l'ensemble du personnel des diverses sociétés à la présence de personnes socialement très fragilisées et de leur permettre d'adopter les bons réflexes : contacter le 115, les services d'urgence en cas de besoin et, plus souvent, alerter le Point d'Accueil Solidarité présent en gare.
La gare : point de départ d'un réseau de veille sociale
Le travail de suivi impulsé par la SNCF vise donc à systématiser progressivement une mission de veille sociale, qui pourrait devenir partie intégrante du travail des agents présents en gare. A Metz, une réflexion est d'ailleurs en cours sur la possibilité de rendre les formations sur l'errance obligatoires et de mentionner le sujet dans les fiches de poste. L'objectif de ce travail de responsabilisation collective est de permettre aux deux éducateurs du Point d'Accueil Solidarité de s'appuyer sur de nombreux relais pour une action plus efficace et réactive.
La veille sociale réalisée par l'association Espace Solidarité est donc soutenue par un réseau centré sur la gare. Le diagnostic réalisé dans le cadre du tour de cadre sociétal est un premier moyen de faire remonter des informations. Les maraudes et le lien avec les agents et commerçants constituent un deuxième canal. Les échanges entre Espace Solidarité et l'ensemble des partenaires, publics et associatifs, complètent la connaissance des enjeux, des personnes et des situations. En s'appuyant sur son action et sa position d'interface, Espace Solidarité réalise ainsi une mission d'observation sociale. Celle-là s'inscrit en partie dans le cadre de la convention liant l'association à la SNCF, qui prévoit la réalisation d'un rapport d'activité mensuel comprenant un suivi de l'activité d'accueil et d'orientation. Ce travail d'observation va cependant au-delà de ce reporting, dans la mesure où une connaissance fine des publics et des relations sociales sont partie intégrante de la mission d'alerte et d'interface entre la gare et les services sociaux. Cette observation s'inscrit d'ailleurs dans un dispositif plus global de veille sociale mené à l'échelle de l'agglomération messine.
Issue à l'origine de l'initiative d'un centre d'hébergement, cette démarche de veille sociale réunit chaque semaine l'ensemble des intervenants, professionnels et bénévoles, de l'urgence sociale (115, équipes de maraudes, accueils de jour, centres d'hébergement, services de santé...). Animées depuis trois ans par le CCAS de Metz, ces rencontres visent à échanger sur l'évolution des situations des personnes qui sont à la rue, à se mettre d'accord sur un discours et un mode d'action cohérents et à élaborer en commun de nouvelles solutions. Cette instance de coordination a notamment permis l'élaboration et la diffusion d'un guide de l'urgence sociale, recensant et localisant les services et associations d'aide à Metz et indiquant les numéros d'urgence. C'est également dans le cadre de la veille sociale qu'a été imaginé et conçu un dispositif de « halte de nuit » permettant de répondre à un besoin non couvert, celui d'un lieu d'accueil nocturne et de repos plus flexible qu'un centre d'hébergement traditionnel.
L'association Espace Solidarité est présente à cette réunion de veille sociale, ce qui donne une dimension supplémentaire au réseau de veille sociale qu'elle anime à partir de la gare de Metz. La gare, lieu d'arrivée, de passage et de départ, est un point stratégique dans la coordination d'actions émanant d'une multitude d'acteurs et à destination de publics très divers et aux problématiques complexes
Bilan
- Point d'Accueil Solidarité en gare de Metz : 1128 personnes accueillies et aidées en 2009, 926 personnes en 2010. Action de portée départementale.
- Parmi les 926 orientations en 2009 rendues possibles par l'ensemble du réseau d'aide aux sans-abris : 34% vers un hébergement (à Metz, en Moselle ou sur le reste du territoire national), 43% vers l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la Cour National du Droit d'Asile (CNDA) et la préfecture, 18% vers le référent, 5% vers les structures de soins.
- Sensibilisation et implication de l'ensemble des personnes travaillant dans la gare, à travers le tour de gare sociétal et les actions de formation.
- Amélioration de l'efficacité de l'action menée vis-à-vis des personnes sans abris et de la connaissance des situations, rendue possible par l'existence des différents réseaux.
Partenaire(s)
Association Espace Solidarité, dont le conseil d'administration est composé de membres d'associations (Emmaus, Le Relais, l'AIEM - Association Insertion et Entraide en Moselle - ...), du chef de gare et du coordinateur citoyenneté et solidarité Lorraine.
Partenaires financiers de l'association : le CCAS de la Ville de Metz, le CCAS de la Ville de Thioville, le Conseil général de Moselle, le Conseil régional de Lorraine, la Direction départementale de la cohésion sociale de Moselle, la Fondation Abbé Pierre et la Direction régionale Metz/Nancy de la SNCF.
Partenaires de la SNCF dans le cadre du tour de gare sociétal : le CCAS de la Ville de Metz, Point d'Accueil Solidarité / association Espace Solidarité, médiateurs sociaux opérant sur les lignes de TER en Lorraine.
Moyens
Humains
- 2 salariés à plein temps pour le Point d'Accueil Solidarité, dont 1 détaché de la SNCF.
- Implication régulière d'une quinzaine de responsables SNCF dans le cadre du tour de gare sociétal, implication plus ponctuelle de l'ensemble du personnel (SNCF et autres entreprises) présent en gare, coordination de la démarche par le coordinateur citoyenneté et solidarité Lorraine.
Financiers
Un budget prévisionnel de l'association Espace Solidarité en 2011 de 154 000 euros, dont 136 000 euros de subventions des partenaires précités.
Matériels
Local du Point d'Accueil Solidarité mis à disposition par la SNCF.
Contact
WEINAUG Jean-Pierre
Espace Solidarité
Adresse : 174 avenue André Malraux
57000
Metz
France
Tél. : 03 87 38 87 41
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