En Belgique, deux cultures et trois générations sous le même toit, un exemple de vivre ensemble qui donne espoir
Type d'action
- Développement social
- Lien social
- Liens intergénérationnels
- Inclusion
- Education
- Aînés
- Habitat
- Soutien à domicile
- Accès à l'emploi
- Partenariat / transversalité
Département
BelgiqueSur le vif
« C’est important de pouvoir dire que notre projet existe et fonctionne : cela permet de montrer que des cultures et des âges différents cohabitent très bien ensemble » La directrice du Foyer
Porteur(s) de l'action
L’association Dar al Amal
Objectif(s) et bref descriptif
Afin de lutter contre la défiance envers les personnes d’origine immigrée et l’isolement des personnes âgées dans un quartier de Bruxelles (Belgique), l’association Dar al Amal, qui gère un foyer de femmes, fait également vivre un dispositif d’habitat interculturel et intergénérationnel. Le projet consiste à regrouper sous le même toit une famille d’origine immigrée résidant à l’étage d’une maison dont le rez-de-chaussée est occupé par une personne âgée. L’initiative, à dimension modeste, fonctionne depuis presque 30 ans et montre que le partage du quotidien fait voler en éclats défiances et préjugés entre les âges et les cultures. Une initiative qui a vocation à servir de modèle pour un déploiement dans l’espace européen.
Origine(s)
A Molenbeek-Saint-Jean, l’une des communes de Bruxelles-Capitale où la population d’origine immigrée, notamment maghrébine, est fortement représentée, une forme de défiance, voire de racisme, émerge au début des années 80. Un sentiment qui s’enracine dans la non-connaissance de l’autre et de sa culture. Les échanges entre habitants d’origine immigrée et ceux d’origine non immigrée apparaissent rares et les communautés vivent côte à côte sans se mélanger ni se connaître.
Pour remédier à cette situation, la maison de femmes Dar al Amal, signifiant « Maison de l’Espoir », ouvre en 1981. C’est un foyer de femmes qui œuvre à construire des ponts entre les habitants. La structure organise des activités éducatives et des échanges autour de la citoyenneté et de l’inter-culturalité. En particulier, elle aide les femmes d’origine immigrée dans leur émancipation par des cours d’alphabétisation, des formations, des cours de conduite, des permanences éducatives pour leurs enfants, des ateliers de réflexion collective… Mais si les femmes viennent à Dar al Amal, c’est également pour faire de nouvelles rencontres et étoffer leurs liens sociaux locaux.
Au milieu des années 1980, alors que l’association fonctionne sur un rythme pérenne, elle obtient une maison dans le quartier par le biais d’une donation. L’institution décide d’utiliser ce nouveau patrimoine foncier pour élaborer un projet susceptible de lutter contre trois difficultés que l’association a repérées depuis son implantation dans le quartier : la défiance à l’égard des habitants d’origine immigrée, l’isolement des personnes âgées et la difficulté d’accéder à un logement à loyer modéré pour les classes populaires. Elle envisage de faire cohabiter durablement, au sein même de cette maison un ou une aîné(e) et une famille allogène, le tout pour un loyer très modéré. Concrètement, il est décidé qu’une famille habitera à l’étage tandis qu’une personne âgée occupera le rez-de-chaussée. L’association compte démontrer par ce projet qu’il peut y avoir une solution unique aux trois problématiques différentes touchant le quartier.
Description détaillée
Un dispositif original d’habitat encadré
Les travaux débutent à la fin des années 80 et l’association lance parallèlement un appel aux habitants. L’information se diffuse rapidement par le bouche à oreille et un travail rigoureux de sélection est alors opéré sur les nombreuses candidatures reçues. Il s’agit en effet de trouver une personne âgée qui ne soit pas trop dépendante et dont l’état de santé ne requiert pas de soins médicaux particuliers afin que la famille ne tienne pas le rôle d’une aide à domicile permanente. La famille de son côté ne doit pas être choisie en fonction de ses connaissances socio-médicales, mais bien plus en considération de son enthousiasme pour le projet, sa disponibilité, mais aussi son niveau de revenus. La maison doit en effet profiter à des personnes des classes populaires pour lesquelles les prix immobiliers Bruxellois représentent un obstacle dans l’accès au logement. Le respect de la famille envers les personnes âgées est aussi primordial, et l’association valorise pour cela les personnes partageant une culture méditerranéenne qui octroie une place privilégiée aux personnes âgées.
Une fois le choix des habitants arrêté, l’organisation de l’habitat partagé se concrétise : le rez-de-chaussée est habité par la personne âgée, tandis que l’étage est occupé par la famille. Ce sont deux appartements privatifs bien distincts, seul le couloir du bas est partagé. Chacun a son chez soi, même si la famille a les clés de l’appartement de la personne âgée, au cas où une urgence se présenterait. En échange de la mise à disposition de cette maison, l’association reçoit un loyer modeste. Pour la famille 225€/mois sont demandés, alors que la personne âgée paye 175€/mois. A titre de comparaison, le montant moyen d’un loyer pour deux chambres s’élève à près de 650€ à Bruxelles-Capitale.
L’association veille à ce que l’unique close du partage de la maison soit respectée : la famille peut être sollicitée par la personne âgée à tout moment si celle-ci en ressent le besoin. Elle échange donc très fréquemment avec les habitants, de façon informelle, afin de s’assurer qu’ils respectent bien la logique de soutien de la maison partagée.
Cette relation tripartite qui lie la personne âgée, la famille et l’association est primordiale : l’association doit être tenue au courant des éventuels problèmes et c’est elle qui est en charge de les régler. De plus, elle organise les transitions entre les déménagements dans la maison.
Un logement abordable pour les uns, une solution alternative à la maison de retraite pour les autres
La force du projet tient à ce qu’il répond aux besoins sociétaux d’aujourd’hui : il mise sur l’apprentissage et le respect de la culture de l’autre, la complémentarité entre les âges, tout en représentant une solution d’habitat économique et une alternative à la maison de repos.
Alors qu’il est souvent difficile pour les classes populaires de trouver un logement décent à bas coût en raison des prix immobiliers pratiqués à Bruxelles-Capitale, les origines immigrées représentent souvent un frein de plus dans la recherche d’un logement. Par le loyer modéré qu’elle propose, la Maison de l’espoir répond à cette problématique d’habitat à laquelle les grandes villes font face.
De plus, à Molenbeek-Saint-Jean, les personnes âgées sont souvent obligées de quitter leur quartier lorsqu’elles perdent leur autonomie, car toute aide personnalisée à domicile est très coûteuse. Alors qu’elles ne sont plus en mesure de rester chez elles, le départ vers une maison de retraite engendre très souvent un profond déracinement. Or la maison encadrée par Dar al Amal représente une vraie alternative, qui permet à la personne âgée de rester dans son quartier tout en rompant l’isolement auquel elle peut être confrontée dans son logement individuel. L’attachement au quartier et à la vie sociale de proximité des personnes âgées est ainsi respecté et valorisé.
Mais en addition au coût réduit du loyer et à la possibilité de rester dans son quartier d’origine tout en avançant en âge, ce sont surtout les relations de voisinage privilégiées construites dans la maison qui sont appréciées par les habitants. Ainsi, alors que les habitants ne se connaissaient pas avant leur emménagement, des liens fraternels se tissent peu à peu. Si leurs espaces de vie sont bien séparés, ils partagent bien plus que cela : une logique de soutien mutuel, d’entraide, et d’attention l’un envers l’autre. C’est tout naturellement que la famille vient toquer à la porte si le volet de la personne âgée ne s’ouvre pas à son horaire habituel et c’est tout aussi naturellement que la personne âgée propose de garder les enfants si les parents ont un empêchement.
Un habitat modèle, conçu comme un prototype à dupliquer en Belgique et ailleurs
L’habitat encadré par la Maison de l’Espoir a vocation à rester un modèle : l’association ne souhaite pas lancer de nouveaux projets de maisons partagées car elle estime que d’autres institutions doivent s’emparer de cette idée et déployer des initiatives similaires. Ce projet, conçu comme un prototype, se veut un exemple de cohabitation réussie entre les différences et a vocation à inspirer d’autres structures à se lancer dans l’aventure, tout en les conseillant dans la mise en place d’une telle démarche.
En effet, si la simplicité du dispositif, l’absence de dispositif juridique particulier et de savoir-faire spécifique requis rendent le projet facilement reproductible partout en Europe. Le montage d’une telle maison requiert cependant des points de vigilance particuliers. Par exemple, un élément à prendre en considération est la structure même du logement à partager puisqu’aux yeux de l’association, un tel projet d’habitat encadré n’est envisageable que dans certaines configurations de logements. Notamment, des grands immeubles de type logements sociaux semblent moins appropriés au projet car souvent trop impersonnels. Une des appellations du type d’habitat encadré ici mis en place est par ailleurs « habitat kangourou » (consulter le document joint en cliquant ici) : derrière cette notion apparaît l’idée que le logement doit fonctionner tel un cocon, un lieu protecteur. Il faut que le logement reste confiné, à taille humaine, pour pouvoir jouer son rôle de poche kangourou.
Par ailleurs, l’association Dar al Amal, qui avait été initiée sur un projet davantage interculturel qu’intergénérationnel, n’est pas spécialisée dans le secteur de l’avancée en âge et n’a donc pas mis en place d’aménagements spéciaux pour personnes âgées à autonomie réduite. A Molenbeek-Saint-Jean, seules des personnes âgées encore assez indépendantes peuvent donc habiter dans la maison, ce qui réduit le champ d’action possible.
En attirant l’attention sur ces points de vigilance, mais en insistant aussi sur la réussite de la cohabitation de cultures et de générations sous le même toit, Dar al Amal nourrit l’espoir de voir son projet imité. Mais bien qu’elle fasse partie d’un dense réseau associatif local et que la maison Molenbeekoise soit fortement médiatisée, trop peu d’habitats partagés se sont encore développés en Europe où les différentes législations le permettraient pourtant. Dans les environs de Bruxelles, seul un projet directement inspiré de Dar al Amal a vu le jour. Dans les années 1990, un centre d’aide sociale bruxellois a en effet monté un habitat encadré destiné à des mères célibataires et des personnes âgées. La fin du bail en 2010 a cependant sonné son coup d’arrêt en raison de coûts de gestion trop importants.
En l’absence d’une offre plus abondante d’habitats encadrés dans la région de Bruxelles et ailleurs, l’association de Molenbeek-Saint-Jean se retrouve donc confrontée à de nombreuses demandes qu’elle ne peut satisfaire.
Bilan
Le logement accueille une famille nombreuse d’origine immigrée et une personne âgée.
L’habitat encadré œuvre à :
- Rapprocher et mélanger des profils d’habitants différents
- Proposer une alternative à la maison de retraite
- Proposer un loyer modéré à des Bruxellois des couches populaires
Partenaire(s)
La Région de Bruxelles a donné une prime de rénovation à l’association pour couvrir une partie des frais de travaux lors de la rénovation du bâtiment.
Moyens
Financiers
L’association étant propriétaire de la maison, elle finance les différentes charges et travaux, ce qui représente une somme plutôt modeste.
Humains
L’habitat partagé ne requiert aucune aide humaine permanente particulière, même si la présence d’un contact au sein de l’association reste indispensable en cas de besoin.
Matériels
Une maison unifamiliale traditionnelle, de deux étages.
Contact
MARCHI Loredana
Dar Al Amal
Adresse : Rue de Ribaucourt 51
1080
Bruxelles
Belgique
Tél. : +32 2 411 74 95
Courriel : loredana.marchi@foyer.be
Site web : www.foyer.be
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