Dans l'Aube, un placement "hors les murs" pour les enfants en danger
Type d'action
- Protection de l’enfance
- Pratiques professionnelles
Département
Aube (10)Sur le vif
« C'est en prenant soin de sa famille que l'on protège le mieux un enfant. » La responsable socio-éducative du PHOM
Porteur(s) de l'action
Conseil général de l'Aube
Objectif(s) et bref descriptif
Afin de garantir la protection de l'enfant tout en soutenant l'autonomie des parents dans leurs relations aux enfants, le Conseil général de l'Aube a créé en mars 2005 un nouveau dispositif intitulé «Placement hors les murs» (PHOM). Concrètement, l'enfant est confié au service de protection de l'enfance dans le cadre d'une décision judiciaire ou administrative de placement, mais les parents conservent à son égard un droit d'hébergement quotidien, avec un travail intensif d'une équipe socio-éducative mené à leur domicile. Le droit d'hébergement peut être remis en cause à tout moment, notamment en cas de difficultés mettant l'enfant en danger. Dans ce cas, un accueil-relais est mis en place chez une personne-ressource de l'entourage familial, au centre départemental de l'enfance, ou chez une assistante familiale. Pérennisé depuis janvier 2006, ce dispositif se définit comme une troisième voie entre le placement familial et le placement en établissement tout en favorisant l'autonomie des parents dans l'éducation de leurs enfants.
Origine(s)
Ce projet est né de la volonté forte de la Direction de l'enfance du conseil général et des professionnels qui composent aujourd'hui l'équipe PHOM de travailler différemment en protection de l'enfance en mettant l'accent sur la mobilisation et la valorisation des savoir-faire parentaux.
A l'origine de cette volonté de faire évoluer les pratiques, un constat : les placements «classiques» qui s'étalent dans le temps ont deux effets pervers :
- La démobilisation des parents dans l'éducation de leurs enfants avec une grande difficulté à les réassurer, les réhabiliter dans leurs fonctions parentales par la suite ;
- La désafiliation de l'enfant de son système familial après une longue période de séparation.
Ces constats, qui interrogent l'impact des mesures de placement sur le long terme, ont conduit les initiateurs du projet à penser et mettre en acte une nouvelle façon de prendre soin de l'enfant évitant le traumatisme de la séparation et restituant aux parents la place d'acteurs centraux dans son éducation et sa protection.
Le parti pris de départ a été de positionner le PHOM comme l'outil favorisant les retours en famille. C'est ainsi que le PHOM a concerné jusqu'à présent principalement des enfants déjà placés en établissement ou en familles d'accueil (55% des enfants suivis par en PHOM en 2007, et 63% en 2008) pour leur permettre de retrouver rapidement leur place à la maison et aider les parents à assumer de nouveau leur prise en charge de façon adaptée.
Expérimentée au départ dans le cadre de la protection judiciaire par décision d'un juge des enfants, cette mesure s'étend aujourd'hui à la protection administrative (75% des décisions de placement en PHOM en 2009).
Description détaillée
Une mesure de protection PHOM peut se mettre en place à la demande des travailleurs sociaux de secteur, des institutions partenaires, de la famille elle-même. Elle est décidée soit par l'Aide sociale à l'enfance (Ase) soit par le Juge des enfants suite à une information préoccupante (IP) ou un signalement concernant un enfant en danger, quand une Assistance éducative à domicile (AED) ou une Assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) est jugée insuffisamment protectrice pour l'enfant, ou pour sécuriser le retour anticipé à domicile d'un enfant déjà placé.
Le PHOM n'est pas une structure adossée à un établissement qui en assurerait la mise en oeuvre, mais fait partie intégrante du service de l'Ase. Le dispositif peut accueillir une trentaine d'enfants. Le turn over dû à la courte durée des mesures (en moyenne un an) permet d'en suivre environ 60 sur une année.
L'originalité des interventions PHOM est de concilier travail personnalisé avec la famille et actions collectives, et de reposer sur le principe d'une co-éducation de l'enfant par ses parents, son entourage, et l'équipe PHOM.
Dans le cadre du travail personnalisé, l'essentiel des interventions se déroule au domicile de la famille. Elles sont centrées sur l'accompagnement concret dans les actes de la vie quotidienne (devoirs, repas, toilette, coucher, sorties, activités, accompagnement dans des démarches administratives, juridiques, de soins...). Le travail des TISF y occupe une place importante.
Cet accompagnement autour des tâches du quotidien constitue un support au travail éducatif et thérapeutique mené par l'équipe et rend possible la prise en compte des besoins de l'enfant, un travail sur les places de chacun au sein de la famille, les postures éducatives des parents, les relations et la communication intra-familiales, les noeuds émotionnels bloquant les processus de changement.etc.
La première étape du travail consiste à faire connaissance avec la famille (son savoir-faire, ses compétences, ses difficultés), et avec son entourage (les «personnes-ressources» de la famille). Un premier bilan permet d'identifier avec les parents les moments de la vie quotidienne nécessitant un étayage, et ceux pour lesquels ils sont autonomes. C'est ainsi que les domaines et les créneaux horaires des interventions sont déterminés. Il peut s'agir d'interventions en soirée, ou tôt le matin, de repas, de séjours de vacances partagés , etc... Une astreinte téléphonique 24h/24 est mise en place, et une mobilisation de l'entourage proche de la famille sur les temps de week-end permet de ne pas rompre la chaîne de vigilance et de soutien face aux difficultés que pourraient rencontrer l'enfant et sa famille dans ces moments.
Une synthèse mensuelle des objectifs et de leur réalisation est faite avec les parents et les enfants sous la forme d'entretiens systémiques conduits par la responsable socio-éducative, la psychologue et les intervenants PHOM.
Dès la première année de fonctionnement, l'équipe PHOM constate chez les familles qu'elle accompagne, un grand isolement social et la faiblesse de leur réseau relationnel, amical ou familial. C'est pourquoi le dispositif PHOM s'est fixé pour objectif de développer le travail collectif en parallèle du travail personnalisé avec les familles.
Des moments festifs et conviviaux pour l'action collective
Le développement d'actions collectives dans le cadre de la prise en charge PHOM a débuté par l'organisation de moments festifs et conviviaux afin d'impulser une dynamique de groupe, favoriser la création de liens et l'entraide mutuelle entre les familles (pique-niques, fêtes de noël, sorties récréatives ou culturelles, séjours en gîte multifamilial autogéré).
Très vite, l'équipe a vu tout l'intérêt de cette méthodologie d'intervention et a envisagé de mettre en place un groupe de soutien à la parentalité et à la citoyenneté pour renforcer la dynamique de changement impulsé dans chaque famille. C'est ainsi qu'ont été instaurées en 2009 des réunions collectives mensuelles dont les objectifs sont :
- Permettre aux parents de partager leurs expériences éducatives et de rechercher ensemble des solutions;
- Acquérir des connaissances sur le développement de l'enfant;
- Rompre l'isolement en créant des liens avec d'autres familles;
- Favoriser l'accès aux droits et aux dispositifs de droit commun.
En 2009 et 2010, ces réunions ont permis d'aborder, avec l'appui d'intervenants extérieurs, les thèmes suivants proposés par les parents : les accidents domestiques, la santé des enfants, le droit de la famille, les crédits à la consommation, les besoins de l'enfant, la violence chez les jeunes, les jeux dangereux, etc.
Bilan
- Un travail de recherche universitaire réalisé dans le cadre d'une thèse de doctorat en Sciences de l'éducation sur les dispositifs innovants entre AED et AEMO a analysé les effets de cette modalité de placement à partir de ce qu'en disent les familles. Cette thèse, soutenue en juillet 2009, fera l'objet d'une publication prochainement. Il en ressort que malgré une « intrusion massive dans leur quotidien » ces interventions correspondent pour les parents à un besoin de soutien concret et intensif autour des actes de la vie quotidienne à un moment de leur vie où ils avaient lâché prise, submergés par l'ampleur de leurs difficultés, et que les parents et les enfants sont très impliqués dans les interventions.
- Cette recherche a également mis en évidence que cette modalité de prise en charge favorisait l'établissement d'une relation de confiance entre la famille et les intervenants, la liberté de parole, et donc l'expression des désaccords, condition nécessaire pour pouvoir travailler sur ce qui fait danger, carence ou souffrance pour l'enfant.
- Les professionnels du PHOM observent que les actions collectives et les temps partagés, notamment autour de moments de réflexion ou de convivialité, permettent aux familles d'expérimenter la solidarité, l'entraide et la co-construction de réponses éducatives. Ils constatent que cette dynamique de groupe favorise le développement des compétences relationnelles, sociales et citoyennes des parents qui s'autorisent à faire valoir leurs droits et faire entendre leur voix dans la sphère publique.
Partenaire(s)
Outre les contacts étroits et rapprochés avec la mission ASE, l'équipe prend appui si nécessaire sur les ressources et compétences des équipes pluridisciplinaires de secteur (AS, puéricultrices et médecins de PMI), des partenaires extérieurs, des services spécialisés (pédo-psychiatrie, CAMSP, orthophonistes..), des dispositifs de droit commun, des structures et équipements du quartier où réside la famille (haltes-garderies, écoles..).
Moyens
Humains
L'équipe PHOM est composée :
- D'une responsable socio-éducative.
- De 5 travailleurs sociaux (3 AS/2ES).
- De 6 TISF à temps partiel.
- D'1/3 temps de psychologue ASE.
La direction de l'enfance a fait le choix d'affecter au dispositif cinq travailleurs sociaux positionnés sur deux circonscriptions de l'agglomération troyenne où est implanté le PHOM afin de faciliter le travail en réseau avec l'ensemble des équipes du conseil général. Les TISF sont quant à elles salariées de l'association départementale d'aide à domicile, mises à disposition du PHOM.
Financiers : prix de journée d'environ 48 euros par enfant.
Matériels : l'équipe dispose d'un local au sein d'une cité HLM pour les réunions, les séances de travail avec les familles, les actions collectives.
Contact
Genneret Claire
DIDAMS du Conseil général de l'Aube
Adresse : Cité administrative des Vassaules BP 770
10026
Troyes cedex
France
Tél. : 03 25 42 48 31
Courriel : claire.genneret@cg10.fr
Site web : www.cg10.fr
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