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Citoyenneté

Bibliothèque des livres vivants : quand les malades psychiques se livrent

Type d'action

  • Développement social
  • Lien social
  • Inclusion
  • Handicap
  • Loisirs
  • Pratiques professionnelles
  • Santé

Département

Ain (01)

Sur le vif

« Ce qui m'est arrivé peut arriver à tout le monde. J'ai vécu le chaos, mais je veux témoigner de ma propre évolution et apporter de l'espoir. Mes lecteurs veulent savoir comment je vis, si je travaille, si je suis en couple. Je peux leur montrer que je suis une personne comme une autre quelle que soit ma maladie psychique ».

Porteur(s) de l'action

L'association Espoir 54

Objectif(s) et bref descriptif

Afin de lutter contre les nombreux préjugés qui entourent la maladie mentale, l’association Espoir 54, qui soutient et accompagne des personnes en situation de handicap psychique sur le territoire lorrain, a adapté et développé un outil de sensibilisation à la maladie psychique et à ses conséquences pour ceux qui en souffrent auprès du grand public : la bibliothèque des livres vivants. Une bibliothèque presque comme les autres, où les lecteurs viennent emprunter un livre pour une durée limitée, sauf qu’ici, le livre est une personne concernée par une des formes de la maladie, qui va raconter son parcours de vie, répondre aux questions de son lecteur et apprendre également de ses interrogations. Dans le dialogue qui s’instaure, non seulement les « livres » prennent la parole, mais le regard des « lecteurs » évolue lui aussi.

Origine(s)

Le principe de la bibliothèque des livres vivants est né en 2000, dans le cadre du plus grand festival musical du Danemark, à l’initiative d’une ONG créée par des jeunes pour sensibiliser leurs pairs à la violence et les amener à devenir actifs dans la lutte contre cette violence. Partant du principe que les préjugés ethniques culturels, religieux, professionnels sont à l’origine d’un grand nombre de conflits violents, ils ont cherché à favoriser des contacts individuels directs avec les personnes discriminées, afin de désamorcer ces préjugés. Repris lors d’autres grands rassemblements de jeunes dans plusieurs pays européens (Hongrie, pays nordiques, Pays-Bas, Portugal…), le concept séduit le Conseil de l’Europe, qui en 2003 l’intègre dans son programme d’ « action de la jeunesse en faveurs des droits de l’homme et de la cohésion sociale » et promeut la démarche en publiant en 2005.

Description détaillée

En 2007, lors des Rencontres départementales de lutte contre les discriminations « Liberté, égalité, agissez », le Conseil départemental de Meurthe et Moselle s’empare de la démarche. Il organise dans les locaux nancéens d’une grande enseigne de distribution culturelle une bibliothèque des livres vivants lors de laquelle sont invités à s’exprimer des représentants de communautés confrontées à des représentations stéréotypées et victimes de discriminations ou d’exclusion sociale. La présidente de l’association Espoir 54 y participe en tant que « lectrice » et appréhende alors tout l’intérêt d’une telle démarche : une bibliothèque des livres vivants offrirait l’occasion de sensibiliser différemment que lors d’un colloque ou d’une conférence car elle instaure un véritable échange, facteur d’ouverture d’esprit. Elle permettrait aux personnes concernées de prendre directement la parole, d’exprimer leur difficulté, voire leur souffrance face aux préjugés et discriminations qu’elles subissent mais aussi de montrer leur richesse.

Soutenue par le collectif Santé mentale de Lorraine, l'association Espoir 54 décide alors d’organiser des bibliothèques des livres vivants spécifiques au handicap mental. Depuis 2008, une quarantaine de bibliothèques ont ainsi eu lieu, principalement en Lorraine, dans des lieux très différents (médiathèques, galeries d’art, mairies, …), réunissant de 4 à 10 « livres » et plusieurs dizaines de « lecteurs ». Si à l’origine, l’association sollicitait des partenaires ou organisateurs de manifestations hors champ du handicap, elle a constaté qu’une bibliothèque ainsi organisée pouvait aboutir à des effets inverses que ceux recherchés (stigmatisation des malades psychiques participants, renforcement des préjugés chez les lecteurs….). Le temps que le concept soit localement mieux connu, elle a choisi dans un premier temps de n’intervenir que dans le cadre d’évènements ayant un lien avec le handicap (semaine d’information sur la santé mentale, journée mondiale de la santé mentale…) ou dans un contexte favorable à la sensibilisation (colloque, journée de sensibilisation de collaborateurs ou d’élus…), à la demande des organisateurs, (Mairie, CCAS, conseil départementaux…). Aujourd’hui le concept s’est développé, notamment largement dans les collèges ou lycées où un travail est effectué avec le professeur principal sur les préjugés et l’importance de déconstruire l’image que l’on a sur le handicap par exemple. Le concept est élargi également à d’autres publics/thèmes comme les gens du voyage, les immigrés, l’homophobie, tous les types de handicap, l’illettrisme, les bénéficiaires du RSA…

Désireuse également de promouvoir plus largement le concept, elle a mis en place, en partenariat avec la Fédération nationale des Associations Gestionnaires pour l'Accompagnement des personnes handicapées PSYchiques (AGAPSY), une formation pour les futurs organisateurs de bibliothèques des livres vivants et à éditer, avec l’ARS de Lorraine, un guide pratique. D’autres structures, comme la Maison des usagers de l’hôpital Sainte Anne, à Paris, ont ainsi pu s’inspirer de l’expérience d’Espoir 54 pour entreprendre des initiatives similaires.

Si la bibliothèque des livres vivants fonctionne de la même façon qu’une bibliothèque normale, avec des livres, des lecteurs et des bibliothécaires, il est cependant indispensable de respecter une méthodologie précise quant à son organisation, afin que la démarche ne tourne pas à l’exhibition de personnalités et que les préjugés des « lecteurs » ne soient pas finalement renforcés.


D’abord parce que les livres sont ici des êtres humains, qui sont mis en avant, et plus spécifiquement des personnes sujettes à des troubles psychiques pour qui il est souvent difficile de communiquer. Le choix des « livres » ne se fait donc pas au hasard. Ce sont les référents individuels d’Espoir 54 qui, en fonction de l’évolution des personnes en situation de handicap psychique qu’ils suivent, leur proposent, si elles le souhaitent, de devenir « livre ». Car il faut déjà avoir accepté sa maladie, appris à la connaître et être capable de prendre du recul pour en parler de manière adaptée, tout en protégeant son intimité. De plus, au moment de la bibliothèque, la personne doit être en phase de stabilisation. Un « livre » ne pourra pas être toujours disponible et une des difficultés des bibliothèques est d’avoir suffisamment de « livres » en réserve. Chaque « livre » est ensuite formé : un livre n’est pas un spécialiste de telle ou telle maladie mentale, il n’est pas là pour établir un diagnostic ou orienter vers un soutien. Il est juste le témoin privilégié de son propre parcours de vie. Il doit donc apprendre à parler de lui, à savoir poser des limites aux questions du lecteur pour préserver son intimité, mais également à aider son lecteur à se sentir à l’aise. Lors de sa première participation à une bibliothèque, le futur « livre » fait d’ailleurs d’abord l’expérience d’être « lecteur ».

Du côté du lecteur, un temps de préparation et d’information est également nécessaire. Certains ne savent pas toujours à quoi s’attendre. Ils pensent qu’une personne va leur faire la lecture d’un ouvrage et sont souvent intimidés, voire mal à l’aise, de se retrouver dans une situation de dialogue. De plus les lecteurs sont très différents, tout comme leurs motivations : s’il peut s’agir de professionnels ou futurs professionnels du secteur sanitaire et social, lors de colloques par exemple, le plus souvent les lecteurs sont de simples habitants, parents isolés de malades, élus ou collaborateurs des structures accueillantes. Il est alors important de les accueillir et de les orienter : c’est le rôle des bibliothécaires. Ce sont eux qui identifient les demandes et besoin du lecteur, qui gèrent le catalogue des « livres », dont le titre est le prénom de la personne et non sa pathologie (pour limiter le risque de curiosité malsaine) puis qui met en relation « livre » et « lecteur ». Ce sont eux également qui énoncent les règles de consultation : 20 minutes par « livre », pas plus. Un temps parfois jugé trop court par les « livres » et les lecteurs mais qui permet de ne pas franchir le palier de l’intimité tout en suscitant chez les plus intéressés une frustration qui les encouragera peut-être à approfondir cette première approche. Au-delà de ces 20 minutes, la ou le bibliothécaire intervient pour mettre un terme à la consultation, mais cette dernière peut également s’interrompre à tout moment, selon la volonté du livre ou du lecteur. Enfin, la ou le bibliothécaire doit aussi être en mesure de repérer les demandes qui ne correspondraient pas aux objectifs d’une bibliothèque des livres vivants, ou la fragilité éventuelle d’un lecteur, et de le réorienter alors vers d’autres types d’accompagnement ou de structures (associations de famille de malades psychiques) présents sur place.



Car en attendant que son « livre » se libère, le lecteur transite par un espace dit « d’attente » où il va prendre connaissance, au travers de panneaux d’affichage et de documentation mise à sa disposition, des préjugés les plus fréquents sur la maladie psychique et prendre conscience de ceux qu’il porte lui-même. Sont également présents, dans cet espace souvent convivial (fauteuils, boissons…) un psychologue et des parents de personnes handicapées psychiques, généralement membre de l’Union nationale des familles et amis des malades psychiques (UNAFAM), qui vont échanger avec les lecteurs et les sensibiliser aux caractéristiques de la maladie psychique. De même, une fois la consultation du livre terminée, le lecteur passe à nouveau par cet espace où le ou la bibliothécaire va s’enquérir du bon déroulement et de l’apport de l’expérience qu’il vient de vivre. Une façon également d’aider le lecteur à relativiser, car l’échange peut parfois être émotionnellement fort et de l’orienter vers d’autres sources d’information ou, pourquoi pas, vers un autre « livre » qui pourra lui apporter un éclairage différent. C’est aussi l’occasion, pour Espoir 54, de recueillir les impressions des lecteurs, de vérifier que la bibliothèque a réellement permis de combattre certains préjugés et de faire évoluer non seulement le fonctionnement de la bibliothèque des livres vivants, mais également ses autres modes de sensibilisation. De même, « livres » et bibliothécaires ont également à l’issue d’une bibliothèque un temps de débriefing qui permet d’aborder les questions d’organisation ou de préciser le rôle du « livre » et de valoriser les expériences vécues par les uns et les autres.

Quant au temps de lecture, il se déroule le plus souvent en tête à tête, même si certains « livres » acceptent la présence de plusieurs lecteurs simultanés. Car il doit être avant tout l’occasion de créer un lien, favorisé par l’émotion que suscitent l’échange et la proximité entre le livre et son lecteur. Pour le livre, c’est l’occasion de témoigner de son parcours, de prouver qu’une évolution est possible, d’apporter de l’espoir et surtout de changer le regard du lecteur: « finalement, il ou elle n’est pas si différent de moi… »

Bilan

  • Une quarantaine de bibliothèques organisées depuis 2008 ; onze « livres » à disposition ; plusieurs dizaine de lecteurs à chaque séance
  • Sensibiliser et informer sur les maladies psychiques
  • Lutter contre la stigmatisation et l’exclusion
  • Favoriser l’estime de soi des personnes atteintes d’un handicap psychique et leur intégration sociale
  • Redonner aux personnes en situation de handicap une place au cœur de la cité

Partenaire(s)

Agapsy
ARS Lorraine
Collectif Santé Mentale de Lorraine
Conseil départemental de Meurthe et Moselle
UNAFAM
Et d’autres Associations locales concernant différents handicaps (France dépression Lorraine, l’association Bipolaire ? si tu savais, AFTOC (Association Française de personnes souffrant de Troubles Obsessionnels et Compulsifs), AFTC (Association des Familles de Traumatisés Crâniens et Cérébrolésés))

Moyens

Aucun budget n’est spécifiquement consacré, au sein d’Espoir 54, à l’organisation des bibliothèques des livres vivants : l’action entre dans le cadre des missions de la coordinatrice d’action sociale.
L’association intervient gratuitement mais demande aux structures qui accueillent une bibliothèque de mettre à leur disposition des locaux adaptés (lieux d’accueil et d’attente séparés du lieu de consultation, lieu de consultation permettant d’offrir un espace à chaque couple livre/lecteur…), de prendre en charge les frais de déplacements de l’équipe et de faire un geste de remerciement pour les « livres » (organisation d’un repas, par exemple…). Bibliothécaires et « livres » interviennent quant à eux bénévolement.
Les lecteurs ne versent aucune inscription.
 

Contact

SIMON Virginie

Conseillère en économie sociale et familiale (CESF)

Soliha Douaisis

Adresse : 130, boulevard Delebecque
59500
Douai cedex
France

Tél. : 03 27 95 89 10

Courriel : v.simon@soliha.fr

Site web : www.soliha.fr/

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