Avec l'Opération Quartier Témoin, la Ressourcerie l'Interloque porte une démarche participative pour mieux gérer les déchets
Type d'action
- Prévention
- Développement durable
- Lien social
- Education
- Partenariat / transversalité
Département
Paris (75)Porteur(s) de l'action
Association l'Interloque
Objectif(s) et bref descriptif
Afin de favoriser le développement durable sur le territoire urbain, les Ressourceries ont pour mission de collecter les déchets produits localement, de les valoriser à travers le réemploi, la réutilisation, le recyclage tout en sensibilisant la population au respect de l'environnement. Cette approche va encore plus loin à Paris où, dans le cadre de l'Opération Quartier Témoin, la Ressourcerie l'Interloque à décidé de recentrer son action au local en prenant appui sur tous les acteurs de son quartier. Une dynamique participative qui permet un engagement durable des habitants et donne de très bons résultats en termes de réduction des déchets.
Origine(s)
A partir du début des années 90, des structures présentes sur tout le territoire français, et en particulier dans le Nord-Pas de Calais, développent un modèle de gestion des déchets de type encombrants et industriels banals (DIB) fondé sur le réemploi. Issues de l'expérience du Québec et de la Hollande ayant vu le jour dans les années 80, ces initiatives se sont fédérées le 26 septembre 2000 à travers la création du Réseau des Ressourceries. Cette association de loi 1901, résulte de l'ambition commune de plusieurs structures (associations, régies de quartier...), spécialistes dans le domaine du réemploi des déchets, de créer un groupement professionnel. Un encadrement qui permet de formaliser le rôle des Ressourceries françaises : actrices de l'économie sociale et solidaire (ESS), elles ont pour objectifs de détourner de l'enfouissement ou de l'incinération les déchets pouvant être réemployés, recycler les matières non réutilisables, et inciter à une réduction à la source et rendre accessible des objets pour les personnes dans le besoin. Leur activité est inscrite dans les Plans et programmes locaux de prévention des déchets et dans le schéma de gestion des déchets des territoires.
Encore marginales en France au milieu des années 2010, les Ressourceries suscitent de plus en plus d'intérêt grâce au Grenelle de l'environnement et aux impératifs réglementaires. Début 2012, leur réseau comptait ainsi prés de 90 membres répartis sur toute la France.
L'un d'entre eux, l'association L'Interloque, a vu le jour en 2002. Installée au sein du 18ème arrondissement de la capitale, tissu urbain dense abritant une grande diversité de population, elle conçoit alors des solutions, adaptées aux problématiques de ce territoire, visant à rendre chacun acteur de la gestion urbaine de proximité. En 2006, elle créé la première Ressourcerie parisienne. Ce dispositif qui s'inscrit dans le plan Prévention des déchets de la Ville de Paris répond aux exigences du développement durable et compte donc parmi les 37 projets retenus pour l'Agenda 21 de la ville de Paris.
Comme chaque Ressourcerie française, L'Interloque développe quatre activités principales :
- La collecte les déchets d'origine « encombrants ménagers », « déchets industriels banals » et, plus largement de tout déchet issu des biens de consommation, en préservant leur état.
- La valorisation de ces déchets. A travers leur réemploi : aucune transformation n'est apportée à l'objet collecté qui est alors mis en vente sous sa forme initiale (une fois nettoyé, réparé ou relooké). Ou bien à travers la réutilisation certains matériaux ou parties d'objets afin de créer de nouveaux objets. Soit encore par le biais du recyclage des objets ou parties d'objets non réutilisables qui sont démontés, dépollués puis envoyés dans les filières adéquates (pour cela, la Ressourcerie travaille en partenariat avec les filières de recyclage).
- La redistribution de ces objets : une fois collectés et valorisés, les objets repartent dans le circuit de consommation. Ils sont en effet revendus à petit prix au sein d'une des trois boutiques de la Ressourcerie L'Interloque. Leur revente permet la création et la pérennisation d'emplois dans une optique de développement durable.
- La sensibilisation : agréée Jeunesse et Education Populaire, la Ressourcerie mène une action quotidienne de sensibilisation à l'environnement auprès du grand public. Elle propose également des ateliers thématiques dans le cadre de projets d'école dans le domaine de l'éducation à l'environnement, au civisme et à la citoyenneté.
Mais cette approche ne suffit pas à L'Interloque qui souhaite d'avantage mobiliser les différents acteurs locaux dans sa démarche. C'est pourquoi, désireuse de créer un nouveau modèle de gestion des déchets de proximité au sein d'un tissu urbain dense, elle lance l'Opération Quartier Témoin en février 2009.
Description détaillée
L'Opération Quartier Témoin vise à recentrer l'action de la Ressourcerie sur le local (un bassin de 40 000 habitants, au sein du 18ème arrondissement de la capitale) pour engendrer une dynamique participative et réduire encore plus la production de déchets. Le principe : mettre en synergie l'ensemble des acteurs du territoire (habitants, acteurs économiques, gardiens d'immeuble, bailleurs et syndics d'immeuble, institutions, service municipal de la propreté, acteurs associatifs, établissements scolaires) afin de parvenir à une modification durable des comportements en matière de gestion des déchets. La méthodologie consiste en la mise en place de dispositifs qui ciblent les besoins des acteurs locaux et qui facilitent leur engagement dans une gestion des déchets responsable. Plus la proportion d'acteurs participant à l'action est grande et plus est grande la probabilité quelle aboutisse à la réduction durable des quantités de déchets produites localement.
Définir son territoire
Avant tout, il est donc essentiel de définir un territoire d'action qui fait sens. Pour ce projet qui se veut proche de ses acteurs, il faut trouver l'équilibre entre le degré de localité, le volume d'acteurs que l'association peut gérer ainsi que les logiques de territoires administratifs et institutionnels. La Ressourcerie choisi donc deux quartiers pour l'opération : le quartier porte de Montmartre ; porte de Clignancourt ; Moskova et le quartier Jules Joffrin - Clignancourt. Un choix motivé par plusieurs raisons : il y a une continuité territoriale entre ces quartiers ; ils forment par ailleurs un secteur des services de la propreté de la ville ; ils représentent un bassin de 40 000 personnes environ, soit un nombre suffisant pour mener à bien cette opération ; c'est aussi un échantillon représentatif de la population citadine, avec une très grande diversité sociale, économique et culturelle.
Définir les besoins du territoire
A travers une présence quotidienne et la rencontre des différents acteurs locaux, l'association recueille les besoins du territoire et pose différents constats :
- Existence de lieux privilégiés pour le dépôt sauvage d'ordures.
- Manque de services pour les déchets, notamment les déchets d'équipement électriques.
- Manque de point de collecte pour certains types de déchets recyclables.
- Existence de freins des commerçants pour mettre en place ces points de collecte : manque de place pour le stockage, difficulté à faire venir les collecteurs lorsque les bacs sont pleins.
- Incompréhension des habitants concernant les consignes de tri.
- Problèmes de propreté et d'incivilité (dégradation de locaux à poubelles, dépôts de poubelles dans les parties communes des immeubles...).
Ce travail de diagnostic des besoins permet d'initier le dialogue avec les différents acteurs du territoire tout en soulevant un constat : il n'existe pas d'acteur s'investissant de manière transversale sur la gestion des déchets (collecte / veille de territoire / éducation et sensibilisation à l'environnement). C'est donc la Ressourcerie qui va se positionner comme cet acteur local centralisateur afin faciliter la mise en 'uvre d'actions permettant de répondre aux besoins du territoire en matière de gestion des déchets.
Définir les acteurs ressource du territoire
Pour fonctionner, l'opération doit s'appuyer sur un maximum de forces vives du territoire. En effet, le partenariat et la mutualisation des forces sont des ingrédients essentiels à la réussite du projet. Avant la mise en place de l'action, l'Interloque cherche donc à savoir si le territoire dispose d'instances de démocratie locale ou d'instances ad hoc propres aux territoires intégrés dans des politiques spécifiques. Ainsi par exemple, l'association constate qu'une partie du territoire est classée comme quartier prioritaire. L'équipe de développement local du quartier devient alors un interlocuteur essentiel de l'association.
En outre, pour mener à bien son projet, la Ressourcerie doit s'appuyer sur des acteurs relais. C'est à dire des personnes physiques ou morales qui se chargent de la collecte des déchets produits par autrui et qui s'investissent dans cette action de manière répétée. Une définition plus large inclut les personnes qui se chargent de la diffusion d'information. Tout acteur du territoire peut donc devenir acteur relais : habitant, gardien d'immeuble, acteur professionnel, acteur institutionnel.
Une action participative
Bien que les déchets récoltés soient valorisés par les professionnels de l'association, la collecte, la redistribution et la sensibilisation s'effectuent quant à elle en prenant appui sur les nombreux acteurs du territoire.
La collecte prend plusieurs formes :
- L'apport volontaire, réceptionné dans ses locaux, est fortement favorisé par la Ressourcerie de L'Interloque.Le centre d'apports volontaires, ouvert à tous les acteurs du territoire, est un levier essentiel de la participation. C'est ici que l'engagement des acteurs est le plus visiblement valorisé, où ils peuvent visualiser l'impact effectif de leur participation.
- Plusieurs outils de collecte auprès des habitants comme l'enlèvement sur demande (grâce à une camionnette appelée Déchetterie Mobile et un vélo triporteur à traction électrique appelé déchèterie Eco-Mobile) ou la collecte au pied d'immeuble (Mouvance Récup') : ces services permettent aux personnes n'étant pas en capacité de se déplacer jusqu'à la Ressourcerie de participer à l'action (personnes à mobilité réduite, personnes âgées, sans moyen de locomotion...). Cette forme de collecte, au plus près de l'habitant, permet de récupérer les objets en meilleur état et d'accroître le taux du réemploi.
- Un service d'enlèvement sur demande pour les acteurs économiques locaux : ce service les incite à s'engager dans une gestion des déchets issus de leur activité et à répondre à leur obligation légale de collecte de certains types de déchets apportés par les clients (piles, ampoules...).
- Le tri sélectif et enlèvement sur demande auprès des acteurs relais : un appui est proposé aux gardiens d'immeuble, aux écoles ainsi qu'aux acteurs associatifs et institutionnels afin de mettre en place des dispositifs de collecte sélective et de leur permettre de devenir un relais dans la collecte des déchets produits par autrui.
- Veille propreté : la collecte sur trottoir, effectuée par les salariés de l'Interloque, permet d'identifier les zones du territoire faisant face à des problèmes d'insalubrité récurrents et de les cibler par l'action de sensibilisation.
La redistribution :
- Le levier principal du réemploi est la revente. Elle participe à la réintroduction de produits destinés à la poubelle dans le circuit de consommation, et évite ainsi directement la production de déchets à la source. Les trois magasins du réemploi améliorent le pouvoir d'achat de la population par l'accès aux produits de seconde main de qualité et à faible prix.
- Le réseau de distribution solidaire permet d'approvisionner les acteurs locaux en biens de première nécessité qu'ils ont la charge de distribuer aux personnes dans le besoin.
- Les partenariats avec les filières du recyclage sont organisés afin de pouvoir recycler des déchets de différents types. Cela permet de centraliser les petits gisements locaux et de stimuler le comportement de tri sélectif.
Les actions d'information, de sensibilisation et d'éducation :
- La sensibilisation au quotidien permet de diffuser de l'information concrète et utile auprès du public sur les enjeux liés à la gestion des déchets et les services proposés à la population pour adopter des comportements responsables.
- L'action de sensibilisation événementielle cherche à éveiller la curiosité et l'intérêt par le biais d'animations pédagogiques et de campagnes d'affichage organisées dans le territoire (dans les cours d'immeuble, chez les commerçants, dans l'espace public lors de manifestations locales).
- Les ateliers pédagogiques ciblent le public jeune et enfant. Ils sont mis en place dans les écoles et peuvent être suivis par des actions d'éducation à l'environnement inscrites dans la durée (dispositifs de collecte sélective).
Favoriser l'investissement des acteurs du territoire
Dans le but d'impliquer et de lier les acteurs entre eux autour de la question des déchets, la Ressourcerie mène plusieurs actions complémentaires. Quelques exemples :
- L'annuaire des acteurs du réemploi
Les acteurs du réemploi sont l'ensemble des activités qui favorise l'allongement de la durée de vie des objets, au travers notamment de la réparation, de la revente d'objets de seconde main ou de pièces détachées. Pour favoriser leur sollicitation, l'Interloque effectue, au cours de l'année 2009, tout un travail de repérage et de diffusion. En résulte la mise en ligne d'un annuaire recensant 124 acteurs du réemploi sur le quartier témoin. Cette action permet de démultiplier les relais sur le territoire et de favoriser l'accès à l'information pour les habitants.
- La promotion de l'eau du robinet
Cette action a pour objectif d'impliquer les cafés-restaurants du territoire dans la promotion de l'eau du robinet en les équipant de carafes avec des messages allant dans ce sens et d'un macaron à poser sur leur vitrine avec le message « Ici, on boit l'eau de Paris ». Une quarantaine de cafés du quartier Témoin sont investis. En impliquant de nouveaux acteurs et en touchant des lieux d'agrégation sociale cette action permet d'améliorer la diffusion d'informations auprès des particuliers et de favoriser l'implication plus large de ces commerçants par la mise en place de collecte sélective de certains de leurs déchets (palettes, bouchons en liège, mobilier, vaisselles....).
- Le lolombricompostage
Le lombricompstage est un procédé qui permet de mettre en oeuvre un compostage domestique. En 2010, dix partenaires ont été équipés d'un lombricomposteur, afin de faire la promotion du compostage et de les impliquer dans une réduction effective des déchets organiques.
Les diverses action menées par la Ressourcerie de L'Interloque visent à générer des interactions et de l'implication dans une action collective plus large. Elles participent à la mise en place d'un maillage du territoire au plus près de l'habitant. Le système repose ainsi sur la complémentarité, l'échange d'informations, de services entre les différents acteurs du territoire, et surtout sur la création de lien social, permettant d'accroître de manière significative l'efficacité de la couverture territoriale de l'action.
Bilan
- Une Augmentation de la collecte :
La part de la collecte issue du quartier témoin a augmenté de 9 points entre 2009 et 2010, passant de 61% en 2009 à 70% en 2010 du total des déchets traités par la Ressourcerie.
Il faut noter que la collecte en 2010 a atteint presque de 212 tonnes, alors qu'elle était de 163 tonnes en 2009. Ainsi, le recentrage sur le niveau local ne se traduit pas par une diminution de la collecte, bien au contraire.
- Des résultats tangibles en termes de réduction des déchets :
L'action permet d'atteindre les objectifs fixés par le plan de prévention des déchets parisiens en matière de réduction des encombrants. Elle a permis, sur le quartier témoin, une réduction de la production nette d'encombrants de 100 tonnes en 2009, équivalente à 5% de la production totale du quartier, soit 1,39 kg par habitant. En 2010 cette baisse était de 139 tonnes, soit une réduction moyenne des encombrants par habitant de 2,94 kg.
Cette action a permis d'éviter un coût de traitement d'encombrants et autres biens de consommation usagés à la collectivité d'environ 46 000' en 2009 et 73 400 euros en 2010.
- L'action, ancrée au local, permet une implication toujours plus forte des habitants :
En 2009, sur 100 tonnes collectés au sein du quartier témoin, 42,5 l'ont été par apport volontaire. Le nombre des apports volontaires a d'ailleurs été multiplié par 2,9 en 2009, année de la mise en place de l'opération quartier témoin, pour un accroissement de 74% du tonnage collecté par rapport à 2008. En 2010, l'apport volontaire est passé à 72,2 tonnes, soit une nouvelle augmentation de 67%.
La collecte à domicile auprès des habitants à quant à elle été multipliée par 2 entre 2009 et 2010.
- Les acteurs relais s'impliquent :
En 2009, 69 commerçants sont impliqués dans la collecte sélective et la gestion responsable des déchets de leur activité. 28 autres acteurs relais participent à l'action dont 14 gardiens d'immeubles et 7 acteurs institutionnels.
En 2010, le nombre d'acteurs relais n'a pas augmenté significativement mais l'implication de ces acteurs dans l'action s'est accrue. En effet, le nombre d'actes d'apports volontaires des acteurs relais a été multiplié par 3 entre 2009 et 2010.
Il est à noter par contre que les services proposés aux commerçants ont été réduits, car cette activité n'a pas trouvé de soutien permettant sa pérennisation. Il a été décidé de réduire l'éventail de déchets collectés, ne gardant que les déchets rapportés par les habitants dans le cadre de la reprise obligatoire par les commerçants (piles, ampoules à basse consommation, DEEE), ainsi que quelques déchets valorisables par l'association.
- Une prise de conscience des acteurs professionnels :
Plusieurs acteurs professionnels se sont équipés de filières de valorisation de leurs déchets, et ne font donc plus appel à la Ressourcerie, permettant à celle-ci de se consacrer plus pleinement aux habitants.
- Les pratiques d'éco-consommation accroissent :
La fréquentation des locaux de vente a augmenté de 15% entre 2009 et 2010, dont 80% sont des clients provenant du quartier témoin.
Partenaire(s)
Fondation de France, Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe), Région Ile-de-France, Mairie de Paris, Mairie du 18ème arrondissement de Paris, Fondation RATP.
Moyens
Humains
La Ressourcerie compte huit salariés
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