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Insertion

Au CCAS d’Angers, élus, agents, partenaires et usagers cultivent « l’engagement solidaire »

Type d'action

  • Inclusion
  • Partenariat / transversalité
  • Pratiques professionnelles

Département

Maine-et-Loire (49)

Sur le vif

« Au départ, le terme de réciprocité heurte la logique des politiques sociales. Cela suscite beaucoup d’interrogations sur ce que ça peut changer au quotidien dans notre relation d’aide avec l’usager. Il nous a donc fallu un peu de temps pour approfondir ces interrogations et nous approprier vraiment cette notion, pour imaginer comment cela peut se décliner concrètement et ce que ça peut apporter de positif. » Travailleur social du CCAS 

Porteur(s) de l'action

CCAS d’Angers 

Objectif(s) et bref descriptif

Afin de renouveler les politiques publiques en valorisant mieux les compétences et les idées de leurs usagers, les élus de la Ville d’Angers (150 000 habitants) décident en 2014 d’introduire le « principe de réciprocité » dans la mise en œuvre des politiques sociales. Appliqué aux politiques sociales, ce principe est dans un premier temps confronté à de nombreuses craintes et interrogations chez les professionnels. A l’issue d’un travail de co-construction de plus d’un an ayant associé les élus, les agents du CCAS, les partenaires institutionnels et associatifs, les usagers et les habitants, ce principe s’affine sans perdre son ambition initiale et devient une démarche de promotion de « l’engagement solidaire » ouverte sur la ville venant réinterroger en profondeur la relation entre professionnels et usagers.


Origine(s)

Elue en mars 2014, la nouvelle équipe municipale de la Ville d’Angers inscrit dans son projet de mandat l’ambition de renouveler les politiques d’action sociale en introduisant, entre autre, le « principe de réciprocité ». Pour les élus angevins, il s’agit de préserver la dignité et l’estime de soi des personnes aidées, en permettant à celles-ci de valoriser leurs compétences et leurs idées plutôt que de les cantonner à un rôle de « demandeurs ». Dans la même logique, le « principe de réciprocité » vise à faire évoluer le regard de la société sur les bénéficiaires des politiques sociales en mettant en avant, leur contribution à l’intérêt général.

Souhaitant procéder par étape, la Ville d’Angers expérimente en mai 2015 la mise en application du « principe de réciprocité » en s’appuyant sur un dispositif existant : l’aide au permis de conduire pour les jeunes, mis en place depuis 2008 au CCAS et renommé « Permis Citoyen »1 pour l’occasion. En échange d’une aide financière et d’un accompagnement individuel, le bénéficiaire de ce dispositif effectue un engagement solidaire de 20 à 40 heures au sein d’une association ou d’un service de la Ville. En 2016, un premier bilan de cette expérimentation met en évidence de nombreux effets positifs à cette l’évolution du dispositif, dont le renforcement de l’estime de soi chez les jeunes bénéficiaires.

Par ailleurs, à l’occasion de la première édition de la Rentrée des Solidarités d’Angers en septembre 2015, l’adjointe au Maire en charge des Solidarités Actives et du Handicap, vice-présidente du CCAS, consacre un atelier au thème de la réciprocité rassemblant des élus, des professionnels, des bénévoles et des usagers. Si ce temps d’échange conforte l’intérêt théorique du « principe de réciprocité », de nombreux acteurs restent toutefois sceptiques quant à la manière dont ce principe peut réellement être décliné dans l’ensemble des politiques sociales municipales. Plus particulièrement, certains professionnels craignent, si la réciprocité n’est interprétée que comme une stricte contrepartie, l’instauration d’une « double peine » pour des personnes déjà fragilisées.

En parallèle, la Ville d’Angers s’engage dans une action-recherche pilotée par l’ODAS entre 2015 et 2017, intitulée « Les Villes et le vivre ensemble. La gouvernance locale de la cohésion sociale » . Elle cible sa question de recherche sur la traduction du principe de réciprocité dans les politiques sociales municipales. 

Cette action a été repérée et expertisée dans le cadre de l'action recherche « Villes et vivre ensemble – La gouvernance locale de la cohésion sociale », menée par l'Odas en partenariat avec le CGET.

Description détaillée

Une large concertation pour définir les contours d’un principe soulevant des craintes et des interrogations
A l’écoute des craintes exprimées lors des premiers temps de présentation du « principe de réciprocité », les élus décident d’engager une large concertation en mars 2016. Au même moment, un travail de refonte du règlement d’aide sociale facultative du CCAS est également lancé. Interrogeant l’un comme l’autre les pratiques professionnelles et les actions mises en place par le CCAS, les deux projets sont portés conjointement. La démarche de concertation dure plus d’un an et se déroule en quatre phases.

Dans un premier temps, l’ensemble des professionnels de la Direction de l’action sociale du CCAS (agents d’accueil, travailleurs sociaux, assistants de service, agents administratifs, responsables de service et de pole) sont réunis lors de trois ateliers. Dès cette étape, il ressort que le terme « principe de réciprocité » en lui-même, jusqu’alors peu employé dans les politiques publiques locales, bouscule les valeurs, les représentations individuelles et les pratiques professionnelles des agents du CCAS.

Dans une deuxième phase, la réflexion est élargie à l’ensemble des acteurs concernés par l’action du CCAS, par le biais d’ateliers et d’une enquête : associations, usagers, habitants, services municipaux. Ce croisement des regards entre professionnels du CCAS et associations est l’occasion de constater que la philosophie du « principe de réciprocité », en particulier la valorisation de la contribution de chacun à la vie de la cité, est déjà mise en œuvre par plusieurs associations, reposant sur une logique de bénéficiaires-bénévoles. De même, l’accueil plutôt positif de ce principe par les usagers interrogés joue un rôle majeur dans son acceptabilité par les professionnels.

En parallèle de cette démarche de concertation portée par le CCAS, une première visite sur site est organisée dans le cadre de l’action-recherche « Les Villes et le vivre ensemble » portée par l’Odas. Des entretiens individuels et collectifs sont conduits auprès de 70 personnes d’horizons divers, qui permettent de nourrir la réflexion en cours : élus de la Ville et membres du conseil d’administration du CCAS ; partenaires institutionnels ; agents de la Ville et du CCAS, associations partenaires du dispositif « Permis citoyen » ; habitants, etc. C’est également l’occasion de présenter un premier bilan positif de l’évolution du « Permis Citoyen ».

A l’issue de ces deux premières phases, le terme « réciprocité » demeure l’objet de nombreuses interprétations et sa traduction concrète dans les politiques municipales restent floues pour de nombreux agents. Pour stabiliser une définition claire et préciser des modalités de mise en œuvre, une troisième étape, construite dans le cadre de l’action-recherche « Les Villes et le vivre ensemble », est lancée avec l’ensemble des agents de la Direction de l’action sociale du CCAS entre janvier et mars 2017.


L’appropriation du « principe de réciprocité » : un cheminement collectif
En s’appuyant sur les paroles récoltées depuis le lancement de la concertation, une première série de cinq ateliers simultanés est menée en janvier 2017 avec une quarantaine d’agents du CCAS. Chaque groupe est volontairement composé de manière à mixer les métiers et rassemble donc à la fois des travailleurs sociaux, des chargés des chargés d’accueil et de médiation et des cadres.

Animé par un binôme de cadres du CCAS, ces ateliers permettent aux professionnels de s’exprimer sur la manière dont ils comprennent le « principe de réciprocité » tel qu’introduit par les élus, et les applications concrètes qu’un tel principe pourrait avoir sur leur pratique quotidienne. En prenant le temps de débattre des termes précis employés, ces temps d’échange permettent à la fois d’identifier les éléments faisant consensus, de réaliser collectivement des arbitrages sur les mots les plus adéquats pour décrire cette notion et de repérer les conditions d’une mise en œuvre réussie. Loin d’être anecdotique, ce travail sur la terminologie contribue à l’émergence d’une culture commune.

Une autre partie des ateliers est dédiée à l’identification des formes de réciprocité pouvant être proposées aux usagers. Source de débat, cet exercice permet de poser des exemples concrets faisant directement écho au quotidien des professionnels sur une définition éthique ou philosophique : réaliser une mission bénévole au sein d’une association ou d’un service, participer à la préparation de la journée citoyenne2 , être parrain/marraine de quartier ou de dispositif, contribuer à des espaces de réflexion en tant qu’experts d’usage…

A la demande des agents présents en janvier, une seconde série d’ateliers construits sur le même format a lieu en mars 2017. Ceux-ci rassemblent des agents présents lors de la session précédente et les agents n’ayant pas pu être présents lors de la première session. Un panachage qui permet aux premiers d’être directement vecteurs de transformation auprès de leurs collègues.
 


Nuage de mots issu des ateliers de janvier et mars 2017

Tant dans leur forme que dans leur objectif, ces deux temps d’échange sont décrits par les agents rencontrés comme des « tournants » dans leur appropriation de la commande municipale. De plus, la présence de tiers à ces temps d’échange (collaborateurs de l’Odas et membres de son réseau impliqués dans la recherche action) contribue également à nourrir la réflexion par l’apport d’un regard extérieur.

Une autre condition de réussite majeure du projet est l’étalement dans le temps de la démarche, qui permet une véritable progression de la réflexion. Par conséquent, si le choix de privilégier la co-construction a repoussé l’application du principe de réciprocité, il permet de bénéficier d’une dynamique davantage propice à la conduite du changement un an plus tard. En outre, vécue comme une marque de confiance des élus vis-à-vis des agents de terrain, la démarche a favorisé l’implication de ceux-ci à tous les niveaux, au sein d’un cadre clairement défini en amont : 1. Le principe de réciprocité sera généralisé à l’ensemble des politiques du CCAS dès 2018 ; 2. Les services sont libres proposer des modalités de mise en œuvre de ce principe mais la décision finale appartient aux élus.

Enfin, l’instauration d’un management « en mode projet » dès le lancement de la concertation facilite la construction d’une démarche de concertation cohérente. En interne, des chefs de projets sont nommés dès mai 2016 et des équipes projets, composées de binômes de cadres du CCAS et de la direction de l’action sociale, sont mises en place. Chargées de porter la réflexion et d’animer les temps de concertation avec l’ensemble des agents, ces équipes bénéficient du soutien méthodologique d’une chargée de mission de la Direction Appui au Pilotage du CCAS.

De l’application stricte du « principe de réciprocité » à la promotion de « l’engagement solidaire »
En septembre 2017, le projet est validé par le Maire, puis restitué à l’ensemble des parties prenantes. A l’issue d’un an de réflexion collective, le « principe de réciprocité » initialement introduit par les élus s’est affiné, sans pour autant perdre son ambition initiale. Le terme « réciprocité », jugé complexe (voire péjoratif) par les usagers et les professionnels, est remplacé par le terme « engagement solidaire ». Celui-ci repose sur trois principes fondateurs.

Premièrement, la réciprocité peut se décliner selon deux modalités complémentaires : certaines aides, à l’instar du Permis Citoyen, incluent une contrepartie automatique (engagement bénévole, partage d’expérience entre pairs, etc.) ; d’autres aides, dont les aides de première nécessité, ne sont soumises à aucune contrepartie directe mais sont l’occasion d’inviter l’usager à la réalisation, s’il le souhaite, d’un engagement solidaire.

Deuxièmement, l’engagement solidaire doit à la fois prendre sens pour l’usager et avoir une portée d’intérêt général (elle ne peut servir uniquement l’intérêt de l’usager). Par conséquent, les actions proposées doivent s’appuyer sur les compétences ou les envies des personnes et contribuer au sentiment de reconnaissance sociale. Selon cette interprétation, le fait de s’engager au remboursement d’un prêt ou d’accepter un accompagnement individuel contractualisé ne peut constituer, en soi, une forme de réciprocité. A l’inverse s’engager au sein d’une association, contribuer à des espaces de réflexion (en tant qu’experts d’usage), ou encore participer à des ateliers collectifs relèvent de la réciprocité.

Enfin, l’engagement solidaire peut s’appliquer à tous à condition de reposer sur des modalités souples. En conséquence, les formes et les degrés d’engagement proposés doivent être suffisamment variés pour être adaptés aux ressources de chacun. Des petites solidarités du quotidien, tout comme des engagements plus lourds, peuvent constituer des formes de réciprocité. De même, la temporalité de l’engagement solidaire doit pouvoir respecter le rythme de la personne : si cet engagement n’est pas réalisable au moment de la demande d’aide, la proposition pourra être faite dans un second temps.
 


Nuage de mots issu des ateliers de janvier et mars 2017


Cette évolution du « principe de réciprocité » est exigeante pour les professionnels. En effet, elle nécessite que ceux-ci soient en capacité de reconnaître, de valoriser et de répondre aux envies et capacités d’engagement variées des personnes. Pour répondre à ce défi, le CCAS souhaite expérimenter en 2018 l’animation d’un lieu tiers : le « comptoir citoyen ».

Lieu ouvert à tous en centre-ville, distinct des bâtiments de la Direction de l’action sociale du CCAS pour éviter tout phénomène de stigmatisation, ce comptoir aura pour mission d’orienter et d’accompagner les citoyens souhaitant s’engager dans des actions solidaires (qu’ils aient été orientés par le CCAS ou non).

Bilan

La concertation menée entre 2016 et 2017 a permis :

• La validation des principes fondateurs du nouveau règlement d’aide facultative du CCAS
• L’appropriation du « principe de réciprocité par les professionnels et son évolution progressive vers une démarche « d’Engagement solidaire », reposant sur des valeurs partagées par l’ensemble des contributeurs à cette réflexion (professionnels, élus, partenaires, usagers).
• L’amorce d’une évolution du regard porté par les professionnels et les élus sur les usagers des politiques sociales.
• Le lancement d’une expérimentation autour d’un « comptoir citoyen » destiné à favoriser l’engagement de tous les Angevins.

Partenaire(s)

Des agents des CCAS d’Arras et de Garges-lès-Gonesse, le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires et l’Odas ont également été associés à la démarche par le biais de l’action-recherche « Les Villes et le vivre ensemble. La gouvernance locale de la cohésion sociale ».

Moyens

Humains
Le groupe projet, composé des cadres et de la direction Action sociale (5 personnes), a réalisé des réunions hebdomadaires sur toute la durée de la démarche, soit 2h par semaine durant 1 an.
Une personne chargée de mission de la Direction Appui au pilotage, dédiée à l’ensemble des projets de l’Action sociale définis dans le cadre de la démarche de Relecture des Politiques Publiques et planifiés sur la durée du mandat, a aidé le groupe projet à :
• structurer la démarche (mise en place du mode projet)
• concevoir les temps forts de concertation, analyser et consolider les résultats produits par la démarche
• animer et conduire le projet (calendrier, jalons etc...)
• préparer les dossiers pour présentation lors des réunions d’arbitrage

Financiers
Un budget de 9 000 € a été mobilisé sur trois dans le cadre de la participation de la Ville d’Angers à la recherche-action portée par l’Odas.

Matériels
Aucun moyen matériel nécessaire, en dehors des supports nécessaires à l’animation de la concertation et des ateliers.
 

 

1. Consulter La fiche Apriles sur Le Permis citoyen angevin
2. Consulter La fiche Apriles sur La journée Citoyenne

Contact

MARTINEAU Paulette

Directrice de l’Action Sociale de la ville d'Angers – Directrice adjointe du CCAS

Centre communal d’action sociale d’Angers

Adresse : Boulevard de la Résistance et de la Déportation
49020
Angers Cedex 02
France

Tél. : 02 41 05 49 23

Courriel : paulette.martineau@ville.angers.fr

*Mention légale : Le contenu de cette fiche relève de la seule responsabilité de l'Agence Apriles et ne peut en aucun cas être considéré comme reflètant la position des partenaires soutenant le projet Apriles.